Arte nous gâte en ce mois de Septembre ! Après la diffusion en avant première du film de Christophe Honoré, La Belle personne (en ce moment dans les salles) ce vendredi 19 septembre nous avions la chance de découvrir un téléfilm inédit de Gaël Morel. Amis et collaborateurs, ces deux provinciaux partis à l’assaut du cinéma français empruntent décidément des chemins qui ne cessent de se croiser. Après la sortie simultanée l’an dernier des Chansons d’amour (dans lequel Morel faisait un amusant caméo) et d’Après lui, voilà que les deux réalisateurs livrent des chroniques adolescentes commandées par Arte, à une semaine d’intervalle. Mais s’ils ne cessent de se croiser, les deux cinéastes ont bel et bien des univers très différents. Christophe Honoré est un héritier de la Nouvelle Vague qui se plait à développer un cinéma délicieusement littéraire où l’amour et la mort explosent dans des propositions de films très différentes. Gaël Morel, pour sa part, est souvent étiqueté comme un héritier de Téchiné (le fait qu’il ait été révélé par le film Les roseaux sauvages n’y est pas étranger). Plus marqués par un côté « gay friendly », les films de Morel (parmi lesquels Le Clan que votre Voisin Blogueur vous recommande chaudement) se caractérisent par une caméra souvent amoureuse des hommes (souvent jeunes) qu’elle filme. Fou de cinéma américain, le jeune auteur propose un cinéma à la fois typiquement français mais doté d’artifices spécifiques. La musique a ainsi toujours un rôle à part dans ses films. Pas étonnant, donc, de le retrouver sur un projet comme New Wave où la musique permet le rapprochement entre deux garçons que tout semblait opposer. Une réussite ?
La critique
Film fragile sur un âge sensible
Eric (Valentin Ducommun) est un garçon introverti et (involontairement) solitaire. Dans la ferme familiale, il étouffe et rêve d’un ailleurs. La nouvelle rentrée scolaire ne s’annonce pas très glorieuse puisqu’Eric se voit doté d’un appareil dentaire qui va l’empêcher de sourire sous peine d’être définitivement classé dans la catégorie des ringards. Mais alors que le pire semblait à venir, notre jeune collégien fait la connaissance d’un nouvel élève. Ce dernier s’appelle Romain (Victor Chambon), il a un look punk très affirmé et est fou de musique New Wave. Très vite, les deux garçons se lient d’amitié et vont se révéler l’un à l’autre. Eric découvre une nouvelle musique qui colle parfaitement avec son spleen adolescent, Romain lui demande de réaliser un clip et va ainsi amener son ami à découvrir la passion de la vidéo. Mais alors que la vie semble enfin leur faire des cadeaux, un drame se prépare. La maman de Romain (Béatrice Dalle) a du mal à voir son fils grandir et cela en devient pathologique. Elle se retrouve ainsi à le droguer à son insu pour qu’il passe plus de temps à la maison. Jusqu’où ira cette manipulation ? L’amitié entre les deux adolescents est-elle vouée à être laissée en suspens ?
Au début, j’ai eu peur. Un adolescent à la beauté assez commune, un autre avec un look assez cliché et au milieu une Béatrice Dalle en mère de famille qui semble perdue dans le décor…Mais Gaël Morel sait ce qu’il fait et va rapidement transcender l’amitié entre ses deux jeunes protagonistes. Petites échappées oniriques, moments de solitude sublimés, fragilité ambiante : New wave est à la fois une chronique du spleen adolescent, avec tous ses malaises, et l’histoire d’une amitié qui laissera des traces indélébiles. En rencontrant Romain, Eric va découvrir sa vocation, être amené à s’assumer, à oser.Et l’acteur Valentin Ducommun va peu à peu déployer un véritable magnétisme tandis que son camarade de jeu Victor Chambon hantera la deuxième partie du film.
D’une extrême sensibilité, New Wave est le portrait d’une amitié à la fois singulière et universelle dans une Province étouffante. Si les relations entre adolescents bénéficient d’un traitement juste et tout personnel, les liens mère/fils sont encore plus détonants. Il y a, bien sûr, la relation complexe entre Romain et sa mère. Cette dernière se dévoile comme étant de plus en plus dépressive avant de perdre complètement pied. "A l’amour, à la mort !" pour cette femme qui ne parvient pas à faire le deuil de son petit enfant mué en adolescent solitaire. Les conséquences seront tragiques et surprenantes. Et de l’autre côté, il y a Eric et sa maman. Le garçon est en train de faire sa crise d’adolescence. Il a honte du milieu (modeste) d’où il vient et cela se traduit par un certain rejet de sa famille. Solenn Jarniou, dans le rôle de la mère poule qui s’en prend plein la figure, est juste bouleversante. Complètement sur le fil, elle transmet un lot sidérant d’émotions et sa simple apparition donne envie de pleurer. Une mère fragile qui est prête à tout donner pour son enfant et qui subit sans broncher ses réactions disproportionnées. Fragilité, voici un terme qui convient parfaitement à ce téléfilm de grande qualité, d’une belle intensité. Au final très loin des clichés que l’on pouvait craindre, Gaël Morel nous gratifie d’une quête identitaire sous fond de musique New Wave délicieusement mélancolique. Et on ne boudera pas le plaisir de retrouver la « famille de cinéma » du réalisateur avec des apparitions de Stéphane Rideau et Thomas Dumerchez dans de parfaits et délicats seconds rôles.
Page Myspace de Dirty Fields, groupe ayant participé à la bande originale du film