Je me réjouissais depuis plusieurs jours à la perspective de me tremper dans les fameuses sources de Vashisht, d’y délasser mes muscles sollicités plus qu’à l’habitude par la marche des dernières semaines et de passer de l’eau glacée de la montagne à la chaleur de ces eaux sacrées hindouistes.
Les bassins sont situés dans l'enceinte du temple et nous déposons donc nos chaussures à l’entrée, comme le veut la coutume, pour nous rendre pieds nus vers les thermes destinés aux femmes, une pièce d’environ 3 mètres sur trois. Elles sont déjà une quinzaine à s’affairer dans le petit espace à ciel ouvert, malgré l’heure matinale que nous avons choisie pour bénéficier d’eaux fraichement renouvelées. Si nous venons surtout pour nous détendre, les indiennes viennent elles pour se laver. Un étroit passage d’une quarantaine de centimètres de large, sur lequel nous marchons avec précaution, entoure un petit bassin d’eau chaude d’environ un mètre de profondeur à droite, et un espace d’un mètre de large à gauche où 4 tuyaux déversent les eaux provenant du bassin.
Tout le monde est en petite tenue, la blondeur des cheveux de quelques touristes se démarquant du noir charbonneux des femmes et des petites filles indiennes. A la surface du bassin flottent quelques pétales de fleurs mais personne n’y baigne complètement, seules quelques femmes sont assises à côté du bassin et y trempent qui un orteil, qui un pied. Je comprends pourquoi quand je m’approche pour tester l’eau du bain : chaud, très chaud. Beaucoup trop pour ma peau désormais habituée à l’eau venant des glaciers.
Je décide donc de me rabattre sur l’espace de gauche, me mouillant progressivement en faisant gicler de l’eau sur les zones les moins sensibles. A ma droite, une femme portant deux belles boucles d’oreille dorées et une pierre dans le nez se lave, accroupie comme moi pour être à la hauteur des tuyaux, son collier toujours autour du cou. Elle me sourit et me tend son savon, moi qui suis partie trop vite en l'oubliant ce matin. Je la remercie d'un sourire et commence à me mouiller les cheveux mais elle me tape doucement sur l’épaule, se tournant pour me montrer son dos : un geste d’invite à lui laver, ce que je fais de bonne grâce et avec le sourire, comme les autres femmes entre elles. L’espace d’un instant, je ne suis plus une touriste mais une femme parmi d’autres, dans cette ambiance qui m ‘évoque désormais davantage celle des bains marocains. Les femmes autour rient et sourient, l’une d’elle me verse au godet un peu d’eau prise dans le bassin, en me disant des mots que je ne comprends pas. Ma voisine au dos désormais propre me reprend le savon et me frotte à son tour le dos, délicatement mais fermement avant de me tendre le savon en me montrant mes cheveux pour me faire comprendre qu’elle me le prête. Le geste généreux d’une femme qui n’a rien pour la touriste tellement plus favorisée que je suis.
Des instants d’échanges, de proximité et de rires dans la bonne humeur, les odeurs de savon et la vapeur soufrée de ces eaux sacrées
que j’ai savourés comme il se devait. C’était il y a 3 semaines.
J’ai l’impression que c’était il y a une éternité…
[Texte écrit pour la petite fabrique d'écriture sur la consigne suivante:
Pour garder encore le goût des vacances :
Il fait chaud, il fait lourd, c'est l'été.Et même s'il pleut, bruine ou vente, c'est encore
l'été.
Racontez une anecdote, une atmosphère, un paysage ]