C'est après avoir écrit et publié un billet que l'on comprend enfin ce que l'on voulait dire vraiment. Enfin, chez moi ça marche ainsi, en tout cas. Hier j'ai commencé à parler du jospinisme comme un principe d'équilibre idéologique. Un peu de "défense des acquis sociaux", mais pas trop. De plus en plus de marché, parce qu'il faut bien se laisser aller à la modernité. Mais la pensée sociale n'est pas renouvelée, et reste essentiellement conservatrice, à ceci près que le jospinisme admet que le "social" peut être dilué. Et la paix qui est faite avec le libéralisme n'engendre pas non plus un renouvellement, mais se présente plutôt comme une concession.
Le problème que cela pose, c'est que, comme je le disais déjà, il n'y a aucune direction possible à partir de ce point d'équilibre. Le "social" n'est plus qu'un héritage, et le libéral n'est pas vraiment repensé, et n'est pas non plus le lieu d'une nouvelle réflexion, mais se pose là comme un mal nécessaire. En somme, c'est bloqué.
Ce matin, ou hier matin, selon l'heure à laquelle je termine ce billet, Marc Vasseur reprenait cette dépêche AFP que Dagrouik avait déjà reprise :
PARIS (AFP) - L'arrivée au secrétariat national du PS de Martine Aubry, Jack Lang et Dominique Strauss-Kahn consacre le retour en force des anciens jospinistes au côté de François Hollande et tourne la page de leur échec du 21 avril 2002.
Cette dream team de choc était là pour assurer la victoire en 2007. Et ils allaient bosser :
La nouvelle troïka travaillera, selon ses membres, sur une orientation "de gauche, réformiste et européenne". "Volontariste", a ajouté Martine Aubry. Il ne s'agit pas "réciter le bréviaire", selon M. Lang. M. Hollande a dit attendre "des propositions très innovantes".
Le pauvre Monsieur Hollande : il les attend encore, leurs propositions "très innovantes".
Comme Marc le dit très bien à propos d'un "il nous faut une orientation..." prononcé par ce même Hollande :
Seulement, voilà, ce genre de propos si ils pouvaient être tenus sans trop de conséquences avant l'avènement de la société de l'information, ils ne sont plus tenables aujourd'hui et obligent les protagonistes de ce renouveau à assumer pleinement leur responsabilité dans cette longue période de paralysie que connait le PS depuis une bonne décennie.
Et moi j'ajouterai donc seulement que cet échec n'est sans doute pas celui d'une personne, ni même celui de la fameuse troïka jospiniste, mais plutôt celui d'une pensée politique qui était habile, intéressante, utile en son temps (n'est-ce pas Nicolas J. ?), mais qui, par sa nature même, ne peut pas aboutir à des innovations, encore moins à une quelconque "rénovation" du socialisme.
Mais ce n'est pas tout. Le jospinisme a un encore plus gros défaut. J'ai souvent dit que je mettais l'éfficacité politique assez haut dans mes priorités : évitons les idéalismes et les utopies, communiquons de façon à gagner des élections. Si l'on admet que le point fort du jospinisme est justement son côté "gestionnaire", il est évident en même temps que la sagesse du management n'est pas ce qui fait gagner les élections. Ou en tout cas des élections nationales. Malgré l'extrême complexité des 35 heures et toute la sagesse de leur application, il a suffi d'une phrase "en France on ne travaille pas assez" pour transformer une réussite de la gauche en boulet électoral.
Voilà donc le problème : le jospinisme n'est pas contagieux. N'ayant pas de ligne de force autre que son propre équililbre, il ne peut pas être vendeur. L'échec de 2002 et la campagne maladroite de Jospin en fournissent la démonstration. Et d'ailleurs, la victoire de 1997 n'était pas encore celui du jospinisme. Le jospinisme est peut-être très bien si l'on est déjà au pouvoir, mais il est inutile pour obtenir le pouvoir. Et à mon avis le problème n'est pas celui d'inventer des slogans accrocheurs, le mal est beaucoup plus profond.