Ça ne date pas d’hier, mais je l’ai appris par hasard il y a peu, et ça m’a fait un petit quelque chose. Fila Brazillia n’existe plus. Après 16 ans de bons et loyaux services, Steve Cobby et David McSherry ont décidé de mettre un terme à leurs aventures musicales communes. Le premier album de The Cutler, nouvelle association de Cobby avec David Brennand, disponible en import depuis quelques jours, scelle cette séparation et ouvre une nouvelle ère. Alors je voudrais rendre hommage à deux des auteurs de la B.O. de mon adolescence, dont les productions n’auront cessé de me hanter jusqu’aujourd’hui.
Fila Brazillia, c’est d’abord l’une des discographies les plus touffues et les plus cohérentes de la musique électronique mondiale. Pas moins de dix albums studio, deux live, trois disques de remixes et trois compilations mixées ! Auxquels il faut ajouter des dizaines de maxis, une rétrospective et tous les side-projects de Cobby et de McSherry (Heights of Abraham, Solid Doctor, J.J. Fuchs, J.S.T.A.R.S., Mandrillus Sphynx, etc...). Les deux comparses originaires de Hull, dans le Yorkshire, débutent en 1991, au moment où la house contamine le pays. A l’époque, Dave Brennand, alias Porky, fait partie intégrante de la formation, mais il consacrera vite son temps à la gestion de Pork, le label qui hébergera Fila pour ses six premiers albums. Le nom du groupe est choisi en référence au Fila Brasileiro, une variété de pitbull qui fait des ravages dans l’Angleterre d’alors. Leur premier track, "Mermaids" nage dans l’euphorie rave britannique, tout comme Old Codes, New Chaos, leur premier long-format aux accents tech-house pourtant sorti trois ans plus tard.
Dès le second disque, le binôme évolue et adopte le son downtempo, funky et worldisant qui le caractérisera par la suite. Totalement étranger à la vague trip-hop, il aime par dessus tout brouiller les pistes, mêler échos dub et sitar, structures pop et relents acides, le tout saupoudré de samples vocaux à l’humour 100% british - ce sont des fanatiques des Monty Pythons. Ils se font également une spécialité des morceaux à tiroirs, basculant en drum and bass après de longues minutes d’ambient, imposant des trompettes martiales là où les guitares s’épanchaient en saturations. Trop vite catégorisés “Chill” et très appréciés des compilateurs des séries Café del Mar ou OM Lounge, ils sont capables d’écrire de véritables pop songs ("Spill the beans") ou de livrer des albums foutraques de collages sonores (Dicks). Leurs influences sont à chercher du côté de la new wave et de l’ambient, de Future Sound of London et surtout d’Ultramarine, dont le Every Man and Woman is a Star les marque durablement.
Remixant Black Uhuru, Radiohead ou DJ Food, ils acquièrent une certaine notoriété au milieu des 90’s et ont même le privilège d’enregistrer un live au Royal Victoria & Albert Hall Museum de Londres. On pourrait disserter sans fin sur le catalogue de FB, mais j’ai préféré vous présenter brièvement chacun de leurs albums studio en sélectionnant, à chaque fois, un titre emblématique. En espérant que ce survol vous donnera envie de plonger dans la jungle sonore de Fila Brazillia.
Old Codes, New Chaos (1994) - Assez old-school, ce premier album a des allures d’hymne à l’acide avec des morceaux deep-house comme “The Light of Jesus” ou le splendide "Mermaids".
Mermaids.mp3
Maim That Tune (1995) - Compilation de singles agrémenté de quelques inédits, Maim That Tune est mon petit préféré, scotchant et éthéré de bout en bout. L’épique “A Zed and Two L’s” n’en est qu'un brillant aperçu.
A Zed and Two L's.mp3
Mess (1996) - Léger et cinématique, Mess voit FB s’essayer à une folk électronique se vrillant parfois en drum n’bass. Il contient surtout le rayonnant Soft Music Under Stars, peut-être leur plus beau morceau, dix minutes de méditation ourlées de sitar.
Soft Music Under Stars.mp3
Black Market Gardening (1996) - Le plus ambient de tous, confinant parfois au silence. Une berceuse de luxe.
Butter My Mask.mp3
Luck Be A Weirdo Tonight (1997) - Leur premier vrai foutoir sonore. Plus rock qu’à l’accoutumée, ce quatrième album offre un son plus live et brut de décoffrage, comme sa pochette ne l'indique pas.
Hells Rarebit.mp3
Powerclown (1998) - Avec ce disque commence le chahut critique de FB, taxé de sombrer dans la loungerie jazzy. En réalité, Power Clown, s’il n’est pas le plus bel effort du duo, recèle de perles acid jazz, parfois teintées de bossa, comme ce subtil “Tunstall and Californian Haddock”.
Tunstall and Californian Haddock.mp3
A Touch of Cloth (2001) - Nouveau label (Tritone) pour un duo qui n’en finit plus de se chercher et tente surtout de ne pas tomber aux oubliettes. L'excellent A Touch of Cloth marque un retour au bases funky des Britanniques.
The Bugz Will Bite.mp3
Jump Leads (2002) - On ne reconnaît pas FB avec cet artwork sobre et ce son qui ne l'est pas moins. Agréable mais dispensable, Jump Leads lorgne vers la folk, parfois avec succès : en témoigne la bluesy "Spill The Beans".
Spill the Beans.mp3
The Life & Times of Phoebus Brumal (2004) - Moins cohérent que ses prédécesseurs, le meilleur y côtoie le pire, d’une house vocale désuète à de splendides tracks orientés funk/hip-hop, tels “The Kingdom of Sound”.
The Kingdom of Sound ft. Djinji Brown.mp3
Dicks (2004) - Elaboré à partir des chutes du précédent, cet ultime album est paradoxalement bien plus intéressant. Ultra-spontané et brut, il décline en mode punk une série de bidouillages warpiens de deux ou trois minutes.
The Cubist News.mp3
L'impressionnante page Discogs de FB
Le Myspace officiel et celui des fans de FB
Celui de 23 Records
Le Myspace et le site du nouveau projet, The Cutler
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