Se recueillir, disaient les curés ; se retrouver, disent les psychiatres ; reprendre des forces, diront les grand-mères. Tel est le sens de ce que déclare Flaubert à sa maîtresse : « Les gens qui entendent la vie matérielle, quand il pleut l’hiver, ferment leurs volets, allument 25 bougies, font un grand feu, conditionnent un punch et se couchent sur des peaux de tigre, à fumer des cigarettes. – Il faut prendre ça au sens moral et, comme dit le proverbe persan, « boucher les cinq fenêtres afin que la maison y voie plus clair ». Fourmi, qu’est-ce que me fait le monde à moi ? Qu’il tourne à sa fantaisie, je vis dans ma petite demeure que je tapisse de poussière de diamant. » (Lettre à Louise Colet, 2 février 1847, p.435)
Un créateur a besoin de faire le point, de se ressourcer en sa demeure, entouré de ses livres, stimulé par ses plaisirs. Ce n’est pas de l’abandon mais de la préservation de soi. Flaubert n’est pas misanthrope (il aime les gens) mais anti-bêtise (il hait l’esprit bourgeois). Il préfère se changer lui, que d’avoir l’outrecuidance de changer le monde. Créer son œuvre (qui parlera au monde) plutôt que de s’éparpiller dans les salons, la presse, les endroits-où-il-faut-être-vu.
Tout le contraire de la peur qui renferme les gens chez eux à la nuit tombée, qui rencogne les villages en leurs petites habitudes et certaines régions en leur absolutisme linguistique.
Gustave Flaubert, Correspondance 1830-1851, t.I, édition jean Bruneau, La Pléiade, Gallimard, 1973, 1232 pages.