L'exemple de l'euro. Ceux qui ont l'occasion de voyager le savent: partout dans le monde, l'UE est vue comme un modèle, un exemple à suivre, on s'en inspire et on voudrait l'imiter. Les Européens ont éliminé les conflits internes, ont conquis avec une rapidité stupéfiante l'autosuffisance alimentaire, ont atteint un niveau de vie moyen parmi les plus élevés du monde, ont dessiné un modèle de société relativement équitable, ont stabilisé leur monnaie. L'affaire de l'euro est d'ailleurs emblématique: il a mis fin aux dévaluations et réévaluations qui empoisonnaient le fonctionnement du marché commun et qui provoquaient des conflits, des humiliations, des déséquilibres. Ceux qui ne font pas encore partie de la zone euro n'ont que l'aspiration d'y entrer. Mais à l'intérieur de cette zone, la mode est à en dire du mal, en négligeant ou en ignorant les avantages. Le gouvernement de Slovénie, dernier pays admis (à partir du 1er janvier prochain), a ainsi annoncé la nouvelle à sa population: c'est un succès historique, l'économie nationale bénéficiera d'une plus grande stabilité et d'investissements accrus, la participation en elle-même apportera un point de croissance supplémentaire par an. Ceux qui n'y sont pas en rêvent, ceux qui y sont se plaignent.
L'euro, c'est le premier secteur dans lequel il faudrait appliquer la règle du libre départ: inviter ceux qui médisent d'une réalisation communautaire à la quitter. Quelqu'un souhaite sortir de la zone euro ? La porte est ouverte. Idem pour la politique agricole commune: bon voyage à qui n'en veut pas et bonne chance avec la libre concurrence mondiale dans le domaine alimentaire. Idem pour la zone Schengen: place aux contrôles aux frontières pour qui les souhaite. Et ainsi de suite.
Améliorer l'acquis. Il est vrai que tout est imparfait et que tout doit être amélioré. Combien de lacunes à combler, d'erreurs à corriger. Cela fait quinze ans que l'Europe s'efforce de le faire ; la direction dépend en grande partie des élections nationales, des choix des citoyens. Mais le slogan « la faute à Bruxelles » semble immortel. Le Traité de Lisbonne ? Depuis qu'il est bloqué, on en découvre les mérites: démocratisation (l'augmentation du rôle du Parlement européen est radicale) ; «coopérations renforcées» rendues accessibles ; reconnaissance des services d'intérêt général en tant qu'élément essentiel du modèle européen de société, le principe du «service universel» inclus. Faut-il poursuivre l'énumération ? Ceux qui ont menti sont politiquement disqualifiés, et les peuples qui les ont suivis doivent comprendre que c'est à eux qu'il revient de modifier leur vote s'ils veulent participer aux évolutions, ou bien rester en marge s'ils le préfèrent.
Et pourtant, c'est une autre voie qui est trop souvent choisie: justifier ceux qui rejettent le Traité de Lisbonne en racontant que l'Europe est inutile pour les citoyens. Un coup d'œil aux initiatives récentes de la Commission européenne indique que la plupart visent un seul objectif: l'avantage des citoyens. Je cite presque au hasard: le plan de Viviane Reding visant à réduire de 70% les tarifs des téléphones portables ; le Small Business Act, qui a tellement réjoui les petites entreprises ; les aides communautaires aux pêcheurs en difficulté, tout en maintenant les restrictions de pêche indispensables ; le compromis France/Espagne (médiateur: l'ancien commissaire européen Mario Monti) sur la ligne haute tension unissant les deux pays, et donc reliant enfin l'Espagne aux réseaux électriques continentaux. On pourrait dans le même esprit citer le rapport Lamassoure sur les lacunes qui entravent l'Europe des citoyens, rempli de constats intéressants et de suggestions significatives. Ces textes et initiatives sont plus réels et plus importants que les lamentations sur l'éloignement des peuples par rapport à l'Europe, reprises en chœur avec une démagogie désolante, alors que l'adhésion à l'UE est le rêve de tous les Européens qui en sont encore en marge.
Ferdinando Riccardi