Une députée mauritanienne sur les marches d’un palais d’une vieille démocracie pour libérer la sienne, emprisonnée.
Kardiata Malick Diallo fait partie de ces députés opposés au putsch. Une délégation parlementaire dont elle était membre a effectué ces jours derniers une tournée internationale pour la restauration de la démocratie en Mauritanie, et a fait étape en France où elle a rencontré une partie de la colonie mauritanienne résidant dans la région parisienne. Le hasard a voulu que le lieu de cette réunion d’information soit situé presque à ma porte.
Il y a quelques années, entrant dans une salle d’Emaus où se tenait une réunion organisée par des Mauritaniens, la vue du portrait de l’abbé Pierre (billet ???) suspendu à un mur m’avait rassuré. Il faut dire que l’assemblée était plutôt monocolore. Aujourd’hui, la réunion est organisée dans une salle où à travers des affiches, l’islam semblait dialoguer avec le monde et s’excuser des excès d’une petite branche qui prétend agir en son nom, et souille son image.
J’ai été chaleureusement accueillie par des Mauritaniens dans toute leur diversité, Négro-africains et Arabo-berbères, étudiants et ouvriers, hommes et femmes (ces dernières peu nombreuses, hélas).
Il y avait longtemps que je n’avais pas participé à une pareille rencontre et, quelque part, ce mélange amical de Mauritaniens a pansé une de mes plaies qui n’était pas entièrement cicatrisée. Elle avait également confirmée une vérité profonde en moi mais qu’il n’est pas facile de pratiquer : on ne peut prôner l’égalité et la diversité à l’étranger et les refuser chez soi.
Une grande partie de la diaspora mauritanienne pensante était représentée. Et si un seul a proposé une insurrection improbable, tous les autres ont brillé par mille questions et interventions afin de libérer leur trésor emprisonné. Parmi les interventions, celle de Gourmo Lo. Cet excellent orateur, avec sa plaisante habitude de parsemer naturellement des mots et des expressions peuhles dans ses « plaidoiries » en Français, toujours savoureuses et graves, m’a une fois de plus éblouie.
Auparavant, ce qui avait retenu mon attention, et aiguisé ma fierté de femme et de peule, c’est l’image de Kardiata Malick Diallo, qui fut la première à prendre la parole. Depuis plus de 30 ans, elle est une militante infatigable de la démocratie et un défenseur pasionnée dde la cause des femmes.
De sa voix qu’on serait tenté de qualifier de douce, alors qu’elle est à la fois calme et ferme, coula un discours limpide à la rigueur scientifique, propre aux gens de sa formation.
Si Marèga Baba, presque toujours seul à résister aux vagues adverses sur le net et ailleurs, a vu là son « rêve mauritanien » se réaliser, même à un niveau modeste, le petit nombre de femmes présentes dans la salle devait, comme moi, se sentir fières et puissantes, à travers l’image que leur rendait Kardiata Malick Diallo.
Au fur et à mesure que Kardiata parlait, j’étais fascinée par la qualité de ses paroles, mais surtout par toute absence d’artifices, en elle. Elle était simple, tout simplement. Et à mesure qu’elle parlait, sa simplicité se dévoilait, et je pourrais presque dire, même si cela semble étrange, qu’elle rayonnait de simplicité. Je prie Dieu qu’elle reste ainsi.
Je ne terminerai pas ce compte rendu pas comme les autres d'une réunion politique, sans avouer une petite inélégance que j’ai, à ma grande honte, commise. J’ai failli à une des plus belles règles du pulaagu, l’une des rares que je croyais pourtant avoir encore conservée : l’hospitalité. Pire encore, ne pas rendre le teddungal.
Par timidité, ou par crainte de passer pour une personne en quête de je ne sais quel honneur, je m’étais gardée de me déplacer et d’aller à la tribune saluer Kardiata.
Ainsi ai-je manqué à un devoir auquel Kardiatou Diallo n’avait, elle, point failli à une période où un tel honneur à mon égard ne s’imposait pas à elle.
En quittant la salle, avant la fin de la réunion, mon esprit était devenu plus léger, mais mes jambes et mon cœur étaient plutôt lourds.
Dianga Ba PS : que Monsieur Salek ould Sidi Mohamed Mahmoud, l'autre député de la délégation, me pardonne de ne pas avoir évoqué sa présence et ses propos ; quelque part ce billet est une manifestation de solidarité féminine.
****D'autres photos pour plus tard