Monsieur Quatrache !

La vie est un 400m haies
Jean-Jacques Behm, ancien athlète et instituteur de campagne, éducateur pour toujours, réunit demain la petite famille du «4H» à Tarare. Portrait d'un original passionné

Stéphane Diagana dit de lui: « C'est l'homme au sac à dos et au short quelle que soit la température. » Un soir frisquet de juin, on le trouve sur la cendrée du stade de Cours-La Ville. En short, le fameux sac à dos bourré de statisques posé au vestiaire.
Là, Jean-Jacques Behm fait découvrir à une poignée d'enfants les rudiments de l'athlé. Un sacerdoce. Il a failli fermer la section faute de candidat : « J'ai cru que c'était foutu, et puis les Mondiaux 2003 à Paris nous ont ramené du monde. Cette année, on a quinze licenciés dont sept qui s'entraînent. »
Il habite à quelques kilomètres, dans la forêt de Mardore. « C'est reculé de tout, il s'éclate en courant et à vélo », raconte le grand copain ex-DTN Robert Poirier, son meilleur « ennemi » des années 60 lorsqu'ils se tiraient la bourre sur 400m haies. Les deux hommes ont l'Education nationale en commun. Les parents de Behm étaient instit' à Marnant, à 10 km de Cours-La Ville. Ils l'ont élevé dans la rigueur : « Je n'ai eu le droit de faire de la compétition qu'après le bac. » Lorsqu'il devient champion de France en 1964, il n'a que six mois d'entraînement derrière lui. Le lendemain, son nom s'étale sur huit colonnes à la Une du Progrès. A son retour au village, le buraliste s'étonne qu'il lui dise toujours bonjour : « Mais l'athlé pour moi, c'était parenthèse », dit Behm, qui deviendra CTS sur le tard, surpris qu'on le « paye pour faire ce (qu'il faisait) déjà bénévolement ».
Avec son épouse, il a succédé à ses parents à l'école de Marnant. Ils n'ont plus bougé. « L'école était le centre de sa vie, se souvient Poirier. Lorsqu'on était en compétition, il fallait qu'il prenne des photos pour les ramener à ses élèves, ou qu'il lise des bouquins éducatifs. C'était un original qui utilisait la méthode participative. » Il ne se voyait pas entraîner. Puis il s'est dit que ça ne changeait pas vraiment du métier d'instituteur. Il a conservé les mêmes techniques - il fait voter ses athlètes -, la même éthique : « L'objectif, c'est l'autonomie. »« S'il a envie de te dire quelque chose, il attendra que tu le trouves toi-même », confirme le hurdler lyonnais Heni Kechi, qui décrit Behm comme un « passionné de l'analyse ». Il vient de publier un fascicule sur un siècle de finales de 400m haies : temps de passage, nombre foulées entre les haies, tout y est.
Le « 4H », pour JJ, comme on l'appelle dans le milieu, « c'est une histoire avec introduction, développement et conclusion. C'est une course qu'il faut construire. » Diagana: « Il a sa conception du 400m haies. Pour lui, c'est une course de gestion. Fernand (Urtebise, le coach de l'ancien champion du monde) avait une vision très différente. »
Retraité, père de trois filles et six fois grand-père, il continue de faire le speaker et de présider le club de l'EOL. Il fait aussi l'entraîneur à Tarare et conseille le groupe d'entraînement de Djamel Boudebibah à Bron.
Il est encore secrétaire de l'Association des entraîneurs français d'athlétisme, contributeur unique de la revue « Quatrache » dédiée à 100% au 400m haies et organisateur du meeting du même nom qui fête demain ses vingt ans.
Il dit que sa femme est habituée à ne pas le voir beaucoup entre mai et août. Et elle, elle sourit en se disant que c'est comme ça.
Benjamin Steen
> Le Quatrache demain
à Tarare à partir de 16h30
en présence de Stéphane Diagana, Stéphane Caristan
et Naman Keita.