L'affaire des diplômes de la garde des sceaux arrive au tribunal, grâce au ministère public. Le bâtonnier de Saint-Pierre de la Réunion est convoqué, à la demande du parquet, au tribunal, jeudi 25 septembre, pour diffamation après avoir, lors d'une audience, fait allusion aux diplômes de la ministre de la justice, Rachida Dati.
Georges-André Hoarau comparait pour avoir "diffamé à raison de ses fonctions et de sa qualité de ministre du gouvernement, en l'espèce ministre de la justice, Mme Rachida Dati publiquement au cours d'une plaidoirie en défense (…) en déclarant : 'Un procès qui n'aura jamais lieu, c'est celui de notre grand chef à tous, madame Rachida Dati, qui utilise un faux, un MBA.' Ces propos étant de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la personne de la ministre de la justice".
Me Hoarau défendait un client accusé d'avoir produit des faux documents. Il fait allusion au fait, révélé par L'Express, que la ministre n'avait jamais obtenu de MBA à l'Institut supérieur des affaires (ISA). Le magazine, comme les publications qui ont repris l'information, n'a pas été poursuivi pour diffamation, mais ces titres ont souvent été assaillis d'appels téléphoniques de l'entourage de la ministre. Le CV de Mme Dati mentionne qu'elle est ancienne élève de l'ISA, mais le MBA figurait à son dossier d'intégration à l'Ecole nationale de la magistrature.
L'affaire provoque la colère des avocats, qui invoquent la liberté de parole à l'audience. Selon l'article 41 de la loi de 1881, "ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux".
La Conférence des bâtonniers rappelle dans un communiqué que la mission de l'avocat "implique, dans les seules limites de la préservation de l'ordre public, un droit d'expression absolu indépendant de toute soumission". Pour les bâtonniers, ces poursuites "sont de nature à réguler ce droit et par conséquent à porter atteinte à une liberté à laquelle les avocats n'entendent pas renoncer".
Alain Salles, pour Le Monde 19/08/2009