C'est par CNN que j'ai d'abord appris la nouvelle, en zappant entre les différentes chaînes télévisées de ma chambre d'hôtel. En période de ramadan, Sana'a vit la nuit et les rendez-vous ne se callent pas avant 11 heures du matin.
Triste réveil matin, donc, que cette information révélatrice de la fragile stabilité d'un pays malheureusement oublié des média internationaux et qui revient soudain sur le devant de la scène, parce que ce sont des intérêts occidentaux qui viennent d'y être visés.
En croisant quelques heures plus tard une citoyenne américaine dans le hall de l'hôtel, je réalise l'ampleur des dégâts. « Je reviens de l'Ambassade. J'étais à l'intérieur, en plein meeting, quand ça a pété. On a entendu une énorme explosion, suivie d'échanges de tir. Les murs ont vibré. On s'est tous plaqué contre le sol...Quand j'ai pu finalement sortir au bout de quelques heures, j'ai vu de loin un véhicule calciné et un nuage de fumée qui continuait à flotter », raconte-t-elle, toute pâle, et encore secouée par l'attaque.
Plus tard, nous apprenons par les média locaux que le bilan est lourd. Au moins seize personnes ont péri dans l'attentat. « C'est mauvais signe, tout ça », s'inquiète une connaissance yéménite qui ne cache pas son pessimisme.
Ancienne « Arabie heureuse », le Yémen est un pays fascinant, riche en histoire, qui attire chaque année de nombreux touristes. Mais depuis un an, le voilà embarqué dans une spirale d'attentats, dont certains ont été revendiqué par une branche locale d'Al Qaeda, et qui s'attaquent à la fois aux forces de sécurité yéménites et à certaines représentations occidentales (voir l'article du Figaro d'aujourd'hui).
D'ailleurs, signe d'une menace de plus en plus pressente, les check-points s'étaient renforcés dans la capitale au cours de ces derniers jours. Notamment sur la route de l'aéroport, où l'on a pu constater une fouille plus systématique des voitures depuis le début de la semaine.
Avant-hier soir, après le traditionnel « Iftar », qui marque la rupture du jeûne, arrosé de thé au gingembre, nous avions prévu d'aller siroter un capuccino avec deux amies yéménites au « Traders Café », un café branché de la capitale, où se côtoient jeunesse dorée en abbaya noire et blue jean, étudiants étrangers et personnel d'ONGs internationales.
Mais, consigne de prudence ou mauvais pressentiment, nous avions fini par rebrousser chemin en pensant toutes à la même chose : cet endroit est trop fréquenté par les Occidentaux pour être sûr, par les temps qui courent...