Les associations de défense des sans-abri, reçues hier à Matignon, ne décolèrent pas devant les « promesses non tenues » du gouvernement. François Fillon a assuré hier que les 250 millions annoncés en janvier pour 2008 avaient bien été « délégués aux préfets ». Le député Etienne Pinte (UMP) a remis hier son rapport au Premier ministre, pointant l'insuffisance de la ligne budgétaire de 2008 en matière d'hébergement, et les carences de l'enveloppe prévue pour 2009.
Ambiance glaciale. Hier, certains responsables d’associations d’aide aux démunis conviés à Matignon ont dit leur «dépit». D’autres ont fait part de leur désappointement «face à l’absence de progrès» en matière de lutte contre le mal-logement et le phénomène des sans-abris. Des mots pour rien, puisque cette rencontre a tourné «au dialogue de sourds» entre les associatifs et le Premier ministre, François Fillon, qui était accompagné de la ministre du Logement, Christine Boutin, et du Haut-Commissaire aux Solidarités actives, Martin Hirsch.
«Contraint». «Rien n’a avancé», se désolait hier soir un participant. Tout avait commencé en janvier, lorsque François Fillon avait reçu une première fois les associations à Matignon. A l’époque, le Premier ministre s’était engagé à ce que «plus personne ne soit contraint de vivre à la rue». Un parlementaire - Etienne Pinte, député UMP de Versailles (Yvelines) - avait été chargé de faire un rapport sur «l’hébergement d’urgence et l’accès au logement» des personnes sans abri, déclaré chantier prioritaire.
Face à cette bonne volonté affichée par le gouvernement, les associations s’étaient mobilisées, faisant de nombreuses propositions - tirées de leurs expériences de terrain - pour alimenter le travail d’Etienne Pinte. Le député de Versailles a remis son rapport le 5 septembre au Premier ministre (Libération du 6 et 7 septembre). «Nous sommes d’accord avec de nombreuses propositions contenues dans ce document», pointe Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre. Mais, pour les associations, ce rapport ressemble à un coup pour rien, du fait de l’attitude de la ministre du logement, Christine Boutin.
«Hier, à Matignon, j’ai fait part de mon étonnement de voir que Madame Boutin a rendu public dès le 10 juillet son projet de loi sur le logement, bien avant la remise du rapport d’Etienne Pinte», relatait à l’issue de la réunion Christophe Deltombe, le président d’Emmaüs France. Autrement dit, le rapport qui devait précisément nourrir le projet de loi baptisé «mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion» a été superbement ignoré par la ministre. Réponse de Christine Boutin : il fallait aller vite en raison du calendrier parlementaire, et des propositions du rapport Pinte pourront être reprises par des amendements. Un argument qui n’a pas convaincu ses interlocuteurs.
Régressives. «Pour nous, elle a perdu toute crédibilité», pointait un associatif. «Nous, on a l’impression que le rapport Pinte va être traduit de façon très édulcorée» dans la loi, affirmait sans illusion François Soulage, président du Secours catholique. Pour Augustin Legrand, des Don Quichotte, «Christine Boutin renie tous les engagements et tous les discours qu’elle tenait avant d’être ministre». Les associations font observer que son projet de loi contient des mesures régressives. Il réduit à un an (contre trois actuellement) le délai des expulsions locatives et permet aux communes concernées par le quota des 20 % de HLM de construire à la place des logements en accession à la propriété.
Source : Libération 18/09/2008