En Géorgie, Zviad Pochkhua dirige le quotidien The Financial. Mais hier, c’est à Genève que nous avons rencontré le président de l’Association des journalistes géorgiens. Il était venu témoigner à l’ONU de la situation des médias dans ce conflit qui a coûté la vie à cinq reporters. Un conflit dont personne ne peut rendre compte sans un précieux laissez-passer de Moscou, a-t-il expliqué à quelques confrères au Club suisse de la presse. Avant de livrer son analyse.
Comment expliquez-vous cette guerre ?
C’est le résultat de tensions géopolitiques entre la Russie et l’OTAN. Il ne devrait pas être présenté comme une crise locale entre populations ossète et géorgienne. Le problème n’existait pas sous l’ère soviétique. C’est parce que la Géorgie veut être membre de l’Alliance atlantique que Moscou intervient…
Mais pourquoi votre président a-t-il déclenché l’offensive en Ossétie du Sud ?
La version officielle, c’est que l’attaque a été décidée après des mouvements de troupes russes en Géorgie. Ce que dément Moscou. Mais avec les technologies actuelles, les deux gouvernements et les services secrets étrangers présents dans mon pays devraient savoir ce qu’il en est vraiment, vous ne croyez pas?
Que sous-entendez-vous ?
Je ne sais pas qui a tiré la première balle. Le pays est virtuellement en état de guerre depuis une quinzaine d’années. Des mouvements de troupes, il y en a de part et d’autre. Et il est clair que la Russie ne veut pas la paix: en Ossétie du Sud il y a eu du nettoyage ethnique contre la population géorgienne, tandis que les Ossètes ont reçu la nationalité russe. Or, pour la Géorgie, regagner le contrôle de cette province est une priorité. Et c’est une réalité bien connue à la fois des conseillers militaires occidentaux et des divers services secrets étrangers. Tout le monde sait que le président Saakashvili n’a pas décidé seul de lancer l’offensive militaire.
Washington a décidé ?
Notre budget militaire est sponsorisé par l’OTAN. Notre état-major est épaulé par des conseillers occidentaux. Nos mouvements de troupes, les Etats-Unis pouvaient les suivre par satellite!
Mais pourquoi défier la Russie, n’était-ce pas perdu d’avance ?
Je ne crois pas qu’il s’agissait de gagner la guerre mais d’attirer l’attention internationale sur la politique interventionniste de la Russie en Géorgie. Et puis, vous pensez vraiment que Saakashvili aurait lancé sa petite armée contre les troupes de Moscou s’il n’était pas convaincu du soutien occidental?
Personne en Géorgie ne critique la décision de Saakashvili ?
Si. L’ancienne présidente du parlement somme le président de s’expliquer et menace de réclamer sa démission s’il n’est pas convainquant.
Craignez-vous que la communauté internationale finisse par reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud, comme elle l’a fait pour le Kosovo ?
J’espère que le Kosovo aura l’effet inverse sur Moscou. Si l’Ossétie du Sud devient indépendante, bien des mouvements séparatistes au sein de la Fédération russe se sentiront encouragés.
Source du de l'entretien : Tribune de Genève