L’exposition Villeglé, au Centre Pompidou jusqu’au 5 janvier, est une plongée dans le passé, une leçon d’histoire. D’abord parce que cet artiste de 82 ans -et toujours vif - fait partie d’un chapitre de l’histoire de l’art important, mais qui paraît bien lointain aujourd’hui. Et ensuite parce que son matériau, l’affiche, n’existe quasiment plus sous cette forme depuis quelques années : Villeglé fut conduit à travailler en province, puis à l’étranger, puis à renoncer à cette pratique au fil des années (au profit d’un travail rigoureux et complexe sur l’alphabet, nettement moins spectaculaire).
C’est sa réflexion des débuts qui est la plus intéressante, l’opposition entre la lacération d’affiches et le collage, l’une passive et réactive, l’autre actif et procédant du même registre que peinture et sculpture, mais avec d’autres outils. Il se définit comme lacéreur anonyme, non pas un artiste auteur, mais un metteur en scène, non pas un ready made, mais une appropriation.
Au fil des salles, la beauté des motifs, des lacérations, la diversité des formes et des couleurs, enchantent, même si c’est toujours un peu la même chose. Au début, Villeglé, petit homme au chapeau vissé sur la tête, devant une affiche du 17 juillet 1965, L’homme à la moto, lui aussi coiffé d’un élégant chapeau en ces périodes pré-casque. Et ci-contre, quelques affiches politiques.
Le plus fascinant, pour moi, ce furent les photos et images de film de Villeglé au travail : comme un petit danseur bondissant, il lutte avec sa matière, l’agrippe à pleines mains (photo ci-contre de Harry Shunk, 14 février 1961), tombe à la renverse (ci-dessus, vidéogramme du film documentaire). C’est aussi une performance, une danse chamanique, une lointaine parenté avec Pollock peut-être. Et le moins étonnant, c’est un article du journal de droite L’Aurore du 22 octobre 1962, titré ‘Il gagne des millions en lacérant des affiches’ et citant ses acheteurs gogos, Paola de Belgique, Porfirio Rubirosa, François Mauriac (mais la Shabanou l’a trouvé trop cher); on croirait lire les mêmes réactionnaires face à Koons aujourd’hui.
Photos de l’auteur. Villeglé étant représenté par l’ADAGP, les photos de ses oeuvres seront retirées à la fin de l’exposition.