C’est un grand classique des débats publics : soudain un auditeur se lève, prend la parole et accuse les orateurs de pratiquer la langue de bois. Dimanche matin, ça n’a pas raté lors du très amusant intéressant débat* consacré au Grand-Paris et au SDRIF à la Fête de l’Humanité, la langue de bois n’ayant parfois pas que des désavantages. Et si l’accusation n’était pas entièrement justifiée, ou du moins mal argumentée par l’accusateur, il y avait tout de même de quoi se poser des questions devant certaines interventions et échanges.
Il y a d’abord cette sortie amusante de Michel Berson (PS), président du Conseil Général de l’Essonne. «Le débat aujourd’hui fait penser au jeu des 1000 bornes. Il y a ceux qui cherchent la carte gagnante, le clan de gauche, et ceux qui mettent des obstacles, lorsque vent debout, le Gouvernement, le Premier ministre et le représentant éminent du gouvernement au Conseil régional ont dit non au SDRIF ». Comparaison amusante, mais le clivage n’est peut-être pas si net dans la distribution des atouts et des coups fourrés, surtout vu les échanges qui se déroulent à la tribune entre Pierre Mansat, maire adjoint de Paris en charge de Paris-Métropole et Patrick Braouezec, Président de Plaine-Commune par exemple… Voir aussi les indiscrets de la Gazette des Communes sur la mise ne place du Syndicat Mixte Ouvert, embryon d’organisation d’un Grand-Paris…
Du 1000 bornes au Poker menteur, il n’y a qu’un pas, ou plus exactement un chiffre, et c’est Roger Karoutchi, l’éminent représentant du gouvernement au conseil régional qui va aider à le franchir. D’attaque, il annonce que si le vote du SDRIF est maintenu, il votera contre : « il y a deux éléments clés qui font que je ne peux pas accepter, 2% de croissance annuelle et 28.000 emplois par an pendant 20 ans », et précise contre l’argument plusieurs fois exposé par Mireille Ferri, « c’est vrai ça fait 2% aujourd’hui, mais pourquoi se dire que sur 20 ans on n’a pas une autre ambition ? ». Et à propos du logement, Roger Karoutchi explique que pendant 20 ans on va construire 60.000 logements par an mais seulement 28.000 emplois, soit « deux logements pour un emploi… » et de conclure avec ce calcul un peu simpliste (comme s’il n’y avait personne en attente de logement dans la région et que nouveau logement égale nouvel arrivant), « qui peut croire qu’à l’arrivée ça va réduire le chômage et les inégalités ? » Bref, sans surprise…
La surprise, c’est Michel Berson lui répond qu’il fait partie de ceux qui ont rédigé quelques paragraphes du document du SDRIF, et qui précise ironiquement « j’ai lu le texte, et les 2% je ne les ai pas trouvés. Je voudrais qu’on me donne la page où il y a ce chiffre **». Mireille Ferri, vice-présidente de la Région et mère du SDRIF trop contente de la planche de salut confirme, le chiffre n’y est pas. On ne l’avait jamais entendu dire avant, dommage… Et finalement, déclenchant quelques rires dans la salle, et les applaudissements de Mireille Ferri, Roger Karoutchi répondra à la pique de Michel Berson, qu’ « on ne va pas se battre sur les chiffres entre nous » et il répète, « qui peut croire qu’on peut réduire les inégalités sociales et lutter contre le chômage sans créer d’emplois ». Evacués les 2%, élément clé empêchant le chef du groupe UMP de voter le SDRIF.
Langue de bois, poker menteur ou jeu des 1000 bornes, l’avenir de la région et du Grand-Paris mérite peut-être mieux que ça ;-)
à suivre…
Jean-Paul Chapon
* Je n’ai pas beaucoup de temps en ce moment, mais à l’occasion je reviendrai sur ce débat qui méritait largement le déplacement à la Fête de l’Humanité.
** Toujours pas plus de temps que pour le premier astérixe, et je n’ai pas pu chercher dans le texte si les 2% y étaient ou non.