Il ne faut pas prendre les députés pour des « perdreaux de l’année ». Une taxe est une taxe. Si les motifs de l’instauration sont généralement clairs, l’affectation des recettes générées a tendance avec le temps à s’éloigner de l’objectif d’origine. Globalement, l’écologie, la défense de l’environnement, tout le monde est pour. Du moins quand ça ne touche pas son propre porte-monnaie ou celui de ses électeurs car les parlementaires de la majorité se font rappeler couramment sur le terrain la promesse de campagne de Nicolas Sarkozy de réduire les prélèvements obligatoires.
Rien à dire donc quand le gouvernement à la suite du Grenelle de l’environnement déclare souhaiter inciter les Français à consommer des « produits plus propres ». Les premières inquiétudes naissent quand le champ d’application peu à peu se précise. Nathalie Kosciusko-Morizet, évoque une vingtaine de familles de produits. « Tous les produits, qui actuellement bénéficient de l’étiquette énergie, sont des bons candidats pour un bonus-malus ». A terme le dispositif pourrait s’étendre aux peintures et aux détergents, voire aux logements mais aussi être assis sur la « recyclabilité du produit » et enfin toucher les factures d’électricité…
On est donc bien loin d’une seule et simple « taxe pique-nique » censée couvrir entre autres assiettes, couverts et gobelets en plastique. Le gouvernement souhaite combler le retard de la France qui, dans le paysage européen, apparaît comme le pays qui a le plus faible taux de taxe verte.
Le problème avec les dispositifs de la fiscalité écologique, c’est que lorsqu’ils sont mal maîtrisés, ils peuvent être à l’origine de mauvaises surprises pour les caisses de l’Etat. Ainsi, le système de bonus-malus écologique automobile aura représenté au final un surcoût de l’ordre de 140 millions d’euros pour l’Etat. A juste titre Bercy considère le système du bonus-malus comme une usine à gaz qui doit être réservé aux produits coûteux. Les technocrates du ministère des finances sont suspectés de ne pas faire preuve de bonne volonté et poussent, pour des raisons de simplicité, vers un système uniquement punitif reposant seulement sur des malus. Leur ministre Eric Woerth soucieux de la situation financière de l’Etat a rappelé que le système devait être financièrement neutre pour l’Etat.
A l’inverse, bien décidé à ne pas se mettre à dos les consommateurs, et au-delà l’opinion publique, le ministère de l’écologie ne veut pas renoncer à un système équilibré de bonus-malus. Une temporisation n’est pas plus acceptable. Outre l’urgence à agir, la fiscalité écologique qui devrait être la grande nouveauté du projet de loi de finances pour 2009 est apparue lors du Grenelle de l’environnement comme l’une des armes de choix pour accélérer les changements de comportement.
Les députés UMP échaudés par les modalités du financement du RSA ont également fait leur choix. Jean-François Copé a mis en garde le gouvernement contre la taxe de 90 centimes d’euro par kilo sur les assiettes et couverts jetables déclarant «Je préfère des mesures incitatives à de nouvelles taxes». La levée de bouclier est unanimement partagée par ses collègues. «La fiscalité écologique est une pure folie dans un contexte de crise économique majeure», a pour sa part déclaré François Goulard alors que l’électron libre Hervé Mariton mettait à son tour en garde «Il y a des dossiers sur lesquels il faut savoir ne pas être créatif». Le sentiment général est finalement bien résumé par Bruno Le Maire député de l’Eure et ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin : «Le principe est bon, mais attention aux effets pervers sur l’économie».
Et la gauche dans tout ça ? Ca bouge au sein du parti socialiste avec l’émergence d’un Pôle écologiste qui déplore tout à la fois les réponses défensives des dirigeants socialistes et qui dans le même temps reprend à son compte un droit d’inventaire : « Il est vrai que les dirigeants socialistes d’aujourd’hui, qui étaient pour la plupart aux leviers de commande pendant les années Jospin (1997 - 2002) ont largement raté le coche de la mise en place d’une fiscalité écologique en France … au moment où la coalition rose - verte (SPD - Grünen) initiait un dispositif d’ampleur en Allemagne. Dispositif qui a permis l’essor du secteur des énergies renouvelables et la création de dizaines de milliers d’emplois, initiant en vraie grandeur une voie de « croissance verte », internationalement compétitive. »
Au-delà du coup de griffe les membres du Pôle écologique conscients de l’absence d’une orientation politique de fond de la part des socialistes en matière de fiscalité écologique semblent prêts à franchir, si nécessaire, le Rubicon par le dépôt d’une motion lors du Congrès de Reims.
En vidéo Nicolas Hulot-RTL-Juin 2008