Divorce : quand les enfants gardent l'appartement

Publié le 13 juillet 2007 par Willy
Divorce : quand les enfants gardent l'appartement Certains divorcés laissent leur appartement familial à leurs enfants et se relaient à leurs côtés. Un mode de garde insolite qui implique de nombreux sacrifices. Partager son lit, sa salle de bains... Le souci de préserver l'équilibre des enfants peut engendrer des problèmes pour les parents. AFP/Dufour. TOUS les lundis soir pendant un an, Isabelle (*) a fait son sac et changé d'appartement. Un déménagement hebdomadaire qu'elle effectuait par amour pour ses enfants. Divorcés, Isabelle et son ex-mari ont en effet choisi de laisser leurs trois filles habiter dans l'appartement familial et de venir les garder à tour de rôle, une semaine sur deux. Un système de « résidence alternée » appliqué aux parents. Il est de plus en plus fréquemment adopté par les couples fraîchement séparés soucieux de préserver l'équilibre de la couvée. Les semaines sans enfants, Isabelle investissait le studio d'un ami tandis que son ex-mari campait chez son frère. « Cette organisation permet aux enfants de s'habituer à l'idée de la séparation, note Isabelle. Cela prend du temps. Notamment pour ma petite dernière qui avait quatre ans au moment du divorce. En gardant leur cadre de vie, ils peuvent plus facilement réfléchir à la situation. Leur énergie n'est pas complètement pompée par les déménagements. » Selon Jacqueline Phélip, auteur du Livre noir de la garde alternée, ce mode de fonctionnement a plus de succès aux États-Unis qu'en France. « Difficile à appliquer, cette solution requiert une bonne entente entre les parents, prévient-elle. Et à long terme, elle s'avère coûteuse car elle nécessite trois appartements. » Le psychiatre Serge Hefez affirme de son côté que ce mode de garde, encore insolite il y a sept ou huit ans, est dans l'air du temps. « Il se développe car de plus en plus de parents se séparent sans se déchirer », estime-t-il.   « On ne reçoit jamais son courrier à temps »   François a également pratiqué cette alternance parentale. Quand la rupture a été décidée, les enfants sont restés dans la maison familiale pour des raisons pratiques. Afin de ne pas dilapider son budget, il a loué avec sa femme un studio à proximité, occupé une semaine sur deux par chacun des parents. « Rétrospectivement, mes deux fils estiment que c'était une bonne transition. Mais cette solution les a empêchés de réaliser ce qui leur arrivait. L'aîné se demandait si nous allions nous remettre ensemble et le plus jeune était dans le déni. »   Dans la tempête du divorce, ce va-et-vient demande aussi des efforts de communication et une organisation sans faille. Isabelle et son ancien compagnon correspondaient à l'aide d'un cahier sur lequel étaient notés tous les événements de la semaine : les états d'âme des enfants, leurs invitations, leurs notes en classe et les factures à régler. « L'argent pose toujours problème, souligne Isabelle. Qui paie la femme de ménage ? La cantine ? » D'un point de vue pratique, la situation peut rapidement tourner au cauchemar : « On ne reçoit jamais son courrier à temps, on oublie ses affaires et on ne peut rien planifier au-delà d'une semaine, se rappelle Isabelle. Nous ne nous investissions pas dans l'appartement. Fini les grosses courses, c'était chacun pour soi. Réparer un carreau pouvait prendre plusieurs mois. »   De ce côté, pas de problème en revanche pour François : « Nous avons fait très attention. Tout était impeccable. » Continuer à vivre dans le même espace, même en l'absence de l'autre, s'avère encore plus délicat. « Partager son lit, sa salle de bains, c'est loin d'être évident, se souvient Isabelle. De même que laver le linge de l'autre ou ranger ses affaires alors qu'on est séparés. » La situation se complique d'autant plus avec l'arrivée d'un nouvel amour. Mais pour Isabelle comme pour François, il n'en n'a pas été question dans ce domicile consacré aux enfants. Selon François, le plus dur a été de changer de système. Un an et demi après sa rupture, au moment de la séparation des biens, la maison a été vendue. « Je n'avais pas pris pleinement conscience de la situation et j'ai fait une dépression. Ce système n'aurait pas dû excéder quelques mois. C'est comme un ressort : plus on attend, plus le choc est violent », confie-t-il. Au-delà d'un an, les adeptes de ce type de garde prennent généralement un appartement chacun pour soi. Période de transition, l'alternance parentale prend souvent fin là où une nouvelle vie amoureuse commence.   * Les prénoms ont été changés. Les parents séparés sacrifient leur nouvelle vie à l'enfant roi Les parents divorcés cherchent à préserver leurs enfants à tout prix.   « CE MODE de garde où les enfants gardent l'appartement familial est caractéristique de notre époque. L'enfant est devenu le centre de la famille, explique Gérard Neyrand, sociologue, spécialiste de l'enfance et auteur d'une enquête sur la résidence alternée. En effet, c'est lui qui fonde la famille, et non plus le mariage. Plus de 40 % des naissances ont lieu hors mariage. » La résidence alternée appliquée aux parents avait été préconisée par Françoise Dolto qui avait un avis mitigé sur la garde alternée.   « Il faut assumer »   Selon la célèbre pédiatre et psychanalyste, c'était une façon de préserver la stabilité spatiale de l'enfant et le lien entre les parents. Mais à quel prix ? « Cette solution s'organise souvent autour d'un seul domicile spacieux pour les enfants. Les parents vivent alors partiellement chez un nouveau conjoint, un ami, à l'hôtel. Ils se sacrifient, prévient Gérard Neyrand. Mais surtout, cela suppose de privilégier le rapport aux enfants aux relations de couple. C'est possible quand l'enfant est petit, pas indéfiniment. Ce système empêche de recomposer une famille. »   Certains couples séparés vont encore plus loin dans l'abnégation et continuent à vivre ensemble après leur divorce. Il ne s'agit pas de préserver les apparences mais d'offrir une stabilité à leurs enfants. « Quand on a fait des enfants, il faut l'assumer », estime Paul qui partage un appartement avec son ex-femme depuis plusieurs années. Le couple parental élève ainsi leurs enfants d'un côté et mène leur vie personnelle de l'autre. Pour eux, peu importe le sacrifice... Source : http://www.lefigaro.fr/ AGNÈS LECLAIR.  Publié le 12 juillet 2007   Source