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Communiqué de l'association info-Birmanie, du 16 septembre 2008
L’opposante birmane et Prix Nobel de la Paix, Daw Aung San Suu Kyi, assignée à résidence par le régime militaire birman, refuse depuis mi-août les livraisons de nourriture à son domicile. Cet acte a suscité de nombreuses inquiétudes, interprété par certains comme un acte politique au moment de la venue de l’émissaire onusien Ibrahim Gambari, et par d’autres comme une preuve de la dégradation de son état de santé. Certains articles de presse ont même spéculé sur une éventuelle grève de la faim, donnant lieu à des déclarations officielles du gouvernement américain.
D’après les informations dont dispose Info Birmanie, le refus de prendre livraison des colis de nourriture doit être interprété comme un cri d’alarme lancé par l’opposante, qui n’a pas ou peu de moyens de s’exprimer, et concerne l’état de santé de l’une de deux personnes vivant avec elle dans sa résidence à Rangoon. Win Ma Ma était dans un état médical inquiétant depuis plusieurs semaines, mais la junte aurait refusé qu’elle se rende à l’hôpital pour y recevoir le traitement médical nécessaire. Win Ma Ma et sa mère, Khin Khin Win, membre de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), vivent chez Aung San Suu Kyi à laquelle elles apportent une aide pour les tâches domestiques quotidiennes. Les trois femmes vivent dans l’isolation la plus totale depuis 2003.
Khin Khin Win et sa fille Win Ma Ma ne disposent d’aucune liberté de circulation, et sont de fait elles aussi embastillées au domicile de la « Dame de Rangoon ». Pour contester les restrictions qui frappent ses deux compagnes, et forcer le régime à autoriser l’hospitalisation de Win Ma Ma, Aung San Suu Kyi aurait décidé de ne plus accepter les colis de nourriture qui lui sont délivrés chaque semaine. Il semblerait que cette stratégie ait fonctionné, puisque Win Ma Ma a pu être admise à l’hôpital le 6 septembre… mais elle a été placée sous stricte surveillance par des policiers qui lui refusent les visites de sa famille et des membres du parti pro démocratie.
La santé de Aung San Suu Kyi demeure néanmoins un sujet de préoccupation constant, et les craintes que sa santé soit gravement en train de se détériorer sont toujours d’actualité. Son avocat et son médecin ont déclaré qu’elle allait bien, mais qu’elle avait tout de même perdu du poids, et besoin de repos. A 63 ans, la figure de proue de l’opposition birmane a finalement reçu le 14 septembre une consultation médicale, qui a duré plus de quatre heures ; tandis qu’elle avait été privée de la visite de son médecin durant plusieurs mois, entre février et août 2008.
Si le refus de recevoir la nourriture n'était donc pas un signe de protestation politique, le refus de rencontrer Ibrahim Gambari, lui, en était un. Durant la visite de l’émissaire du Secrétaire général des Nations unies du 18 au 23 août, Aung San Suu Kyi a fait preuve de fermeté pour dénoncer le processus politique actuel, qui ne mène nulle part. Selon l’ONU, elle aurait refusé de voir qui que ce soit de la délégation onusienne, pour contester la légalité de ses conditions de détention. Jusque-là toujours ouverte au dialogue avec l’ONU, ce refus montre le sentiment grandissant de frustration parmi les démocrates birmans.
Il faut dire que Ibrahim Gambari a passablement échaudé les responsables de la LND, en leur demandant d’appuyer le processus politique actuel – une mascarade destinée à donner une apparence de légalité à la mainmise militaire sur le pays – et en donnant un certain crédit à la constitution que les généraux ont imposé par la force en mai dernier. Ibrahim Gambari a également consacré une bonne partie de sa visite à des réunions avec les partis pro-junte qui n’ont aucune légitimité démocratique, tout en refusant une rencontre avec les représentants des minorités nationales du pays.
La Birmanie est plongée dans une crise politique qui dure depuis près de vingt ans, les militaires au pouvoir n’ayant jamais accepté le dialogue avec l’opposition et les représentants des minorités. Info Birmanie souligne la nécessité pour l’ONU de se montrer ferme à l’égard du régime et d’imposer un véritable dialogue avec les représentants birmans élus en 1990, sans quoi la mission de Ibrahim Gambari perdrait toute sa crédibilité.
Source : Info-Birmanie