Elle le regarde, silencieuse et impuissante, la tête baissée sous le poids des mots qu’il lui jette comme il le ferait avec des cailloux. Lapidation verbale. Des insultes qu’il éructe les unes après les autres sans lui laisser le moindre répit. Des mots qui touchent et qui font mouche, mais elle ne le montre pas. Il tourne et s’agite autour d’elle dans un ballet ridicule, le visage rougi et les veines saillantes, l’haleine chargée des verres qu’il a bus avant de rentrer et la main en battoir, menaçante.
Mais elle ne se défend pas. Elle ne dit rien parce qu’elle sait que ça ne sert à rien, que ça sera pire. Parce qu’elle sait que si elle parle, la violence des mots fera place au choc des coups. Si elle ne parle pas aussi, parfois.
Le laisser cracher son fiel et cuver sa vinasse sans se rebiffer parce qu’il ne le tolèrera pas.
Le laisser se comporter en monstre avec elle pour ne pas qu’il s’en prenne aux enfants qui dorment dans la chambre à côté. Leurs enfants.
Et doucement, malgré le vacarme, elle se réfugie dans son monde où il ne peut pas l’atteindre, où les maris sont tendres et où les enfants sont heureux. Un monde où les mots ne blessent pas et où les coups ne font pas mal. Un monde où les femmes ne sont pas battues.
Et elle pleure en silence la vie qu’elle s’était rêvée.
Le prince charmant est un croque mitaine.
[ Exercice d'écriture sur photo pour Ecriture Ludique sur une consigne de faux rêveur ]