Par Laurent PFAADT,
membre du Modem et de CAP21, Délégué Départemental CAP21, candidat Ambition Démocrate aux prochaines échéances internes.
« L'ile mondiale », centre géopolitique du monde...
La tragédie des soldats français à Saroubi en Afghanistan met un peu plus l'accent sur la nécessité d'une solution globale et européenne dans cette région si stratégique pour le monde.Bien loin des caricatures médiatiques proposées par nos responsables politiques et puisées dans les excellents romans de Yasmina Khadra invoquant la nécessité de sauver les petites filles de l'oubli et les femmes afghanes de la lapidation, la mort des soldats français dans l'une des plus grandes embuscades talibanes depuis la chute du régime du mollah Omar en 2001 pose la question de l'avenir de cette guerre et des défis pour le monde entier.
Depuis plusieurs décennies, de nombreux stratèges et hommes politiques voient dans le conflit au Proche-Orient, la mère de tous les maux sur la planète. Cette vision est réductrice et simpliste même si elle alimenta de nombreux discours politiques, notamment celui du néoconservatisme américain qui faisait de l'installation de la démocratie au Proche-Orient, la solution du problème.
Il faut revenir aux fondamentaux et à la pensée d'Halford John Mackinder (1861-1947), qui fait de l'Heartland (île mondiale), le centre géostratégique du monde. Or, cet Heartland regroupe l'Asie centrale, le Caucase, le sous-continent indien et le nord du Moyen-Orient.
Ces dernières années, le conflit au Proche-Orient combiné aux guerres irakiennes et aux crises libanaises et iraniennes n'ont fait qu'étendre cet Heartland dont le centre demeure en Afghanistan.
L'Afghanistan et son voisinage se trouvent donc au cœur d'une réflexion que les puissances occidentales engagées dans cette région doivent entamer le plus vite possible. Si l'option purement militaire défendue par Washington a autant échoué qu'en Irak et que les différents surge promis par Obama ne parviendront qu'à retarder l'échec de cette politique, l'Europe peut et doit jouer un rôle différent grâce à sa soft power et à ses instruments diplomatiques.
Il apparaît aujourd'hui que l'organisation d'une grande conférence régionale qui mettrait tous les problèmes sur la table est la meilleure et la plus réaliste des solutions. Cette grande conférence instituerait une stratégie globale de lutte contre le terrorisme aussi bien en Afghanistan et dans les zones tribales du Pakistan. Elle y associerait en premier lieu le Pakistan qui devra choisir d'abandonner les islamistes, la Russie et surtout l'Inde pour permettre également la résolution du conflit du Cachemire, peut-être en échange d'un futur siège au conseil de sécurité de l'ONU.
Aujourd'hui, le dilemme est le suivant : soit perfuser jusqu'à l'extinction un narco-Etat corrompu qui risque soit de se transformer en une dictature générant de nouveaux dangers dans les trente ans à venir (ce qui commence à devenir une habitude dans cette partie du monde), ou de devenir un nouvel Etat taliban déstabilisant définitivement le Pakistan voisin et de voir l'arme nucléaire tomber dans des mains meurtrières, soit de bâtir une société respectueuse des cultures et des traditions de l'Afghanistan en discutant avec certaines forces islamistes qui veulent s'inscrire dans ce cadre et ainsi diviser Al-Qaida dans cette région.
L'Europe doit bien évidemment agir de concert avec les Etats-Unis avec une répartition du travail, les Européens dans l'organisation des négociations avec les islamistes modérés, les Etats-Unis dans la pression sur la Pakistan pour qu'il accepte de jouer le jeu de la pacification de la région en coupant toute relation avec les talibans les plus extrémistes pour mieux les isoler. Une fois de plus, le monde s'est arrêté au carrefour afghan...
Laurent Pfaadt
Ce texte est publié sur Relatio-Europe et le site de CAP21