La "panique" boursière actuelle, largement divulguée dans les médias à sensation (et autre), m'insite à revenir sur les événements récent pour vous donner un tout autre éclairage, sans paillette,
et sans goût du sensationnel. Je sais, ce n'est pas "vendeur", mais ce n'est pas le but non plus !
Que s'est-il donc passé ce week-end pour que toute la presse parle de "panique boursière", et agite le spectre d'un krack, appuyé en cela par la baisse des marchés lundi ?
1/ Lehman Brother a été déclaré en faillite, et se trouve désormais sous la protection du chapitre 11. Ceci lui permet de poursuivre son activité. Tout cela est consécutif à
l'abandon des repreneurs potentiels (plusieurs noms avaient circulé dont un Coréen !). Le marché croyait pourtant en une reprise imminente de l'établissement vendredi dernier. Ce n'est pas le
scénario qui s'est produit.
Les questions à se poser: En quoi consistait l'activité de Lehman, et quel sera l'impact de sa disparition ?
Lehman Brother est une banque d'investissement. Elle intervennait
sur tous les marchés: action, obligation (dont les emprunts d'état américain), étude de marché, capital investissement, banque privée. Ce sont ses activités de financement des emprunts à risque
("subprime") à l'attention des particuliers désirant devenir propriétaire alors qu'ils sont insolvables qui a précipité l'établissement. A vouloir trop gagner d'argent en ignorant le risque
associé, on meurt.
La société employait 26000 salariés, pour un chiffre d'affaire de 47 milliards$ en 2006.
Cela peut parraitre cruel, mais sa disparition aura un impact nul. Ce n'est pas une banque à guichet, et le commun des mortels ne verra pas la
différence entre "avant" et "après". Ce sont les actionnaires qui vont payer les pots cassés à la liquidation. TOUS les actionnaires, y compris le Crédit
Agricole... Il pourrait aussi y avoir des seccousses sur les titres détenus par Lehman lors de la liquidation (comme les dérivés de crédits), ce qui explique aussi probablement les
liquidités injectées par les banques centrales pour réguler le système.
2/ Merrill Lynch a été rachetée par Bank of America pour 50 milliards de dollars, soit seulement une fois son chiffre d'affaire 2005 (48 milliards)
C'est une surprise ! Le marché ne s'attendait pas à un "adossement" aussi rapide. Sans doûte l'établissement, à la vue de la déconfiture de son confrère, a préféré cette solution à des
discussions sans fin, qui auraient très bien pu conduire aussi à sa disparition. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les activités de la société dépendent uniquement de la valeur de ses
employés (comme beaucoup d'entreprises qui ont tendance à l'oublier): les meilleurs partent quand il n'y a plus d'espoir, rendant la société encore plus fragile...
Les questions à se poser: Quel est l'intérêt de ce raprochement pour BoA, et quel est la morale de l'histoire?
Pour Bank of America, l'acheteur, il lui permet -selon ses dires- de gagner 10ans dans son développement d'activité. Cela lui ouvre les portes de la
gestion d'actif, avec 16.000 brokers et 1800 milliards d'actifs sous son compte. La "morale" de l'histoire, c'est qu'il vaut mieux se vendre quand il est encore temps...
Ce week-end, nous avons donc vu disparaitre 2 banques d'investissement. C'est un début de refonte des activités financières qui se dessine. C'est le début de la fin de purge qui s'annonce
aussi. Les établissements tournent la page des années folles de l'argent trop facilement emprunté, trop "facilement" gagné, trop facilement perdu aussi, par manque de controle de risque efficace.
Les opérations par effet de levier vont maintenant être plus surveillées.
La FED n'a pas voulu voler au secours de ML, ni de Lehman, et elle a bien fait de laisser le marché s'arranger de lui même: la disparition de ces
établissement n'est pas cruciale à l'acivité de marché, et montre également qu'on ne peut pas faire n'importe quoi impunément. C'est d'ailleurs la critique qui a été faire à la
FED lors du rachat de Bear Stearn, du sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac. On a pu lire à cette occasion que l'on privatisait les profits, et que l'on nationnalisait les pertes. Ce
qui n'a pas été compris, c'est que le sauvetage de ces 3 établissements -tout comme celui probable de AIG- est fondamental. On ne peut pas laisser tomber les refinanceurs de crédits, sous peine
de disparition de ceux-ci et d'effondrement du marché de financement. Tout comme on ne pourra pas laisser tomber l'assureur AIG, qui toucherait 74 millions d'américains. Leur sauvetage est
nécessaire au bon fonctionnement de l'économie américaine.
Par son pragmatisme, la FED montre qu'elle est capable de gérer la crise au mieux des intérêts de la masse des américains. Elle protège le système financier en l'aidant quand il faut (par des
ingection d'argent frais, par les variations de taux d'intérêts pour faciliter la fluidité de l'activité, par la prise en compte de contre-parties en actions, ce qu'elle n'avait jamais
fait), mais fait preuve de rigueur face aux mauvais élèves.
Des petites banques vont encore couler (c'est déjà arrivé, sans que le marché ne s'en émeuve outre mesure).
Des sociétés vont patir de la situation économique, en particulier tout le secteur de vente immobilière qui s'est trop gavé ces dernières années, y compris en France.
Par contre, le secteur de la construction sera épargné: ce n'est pas parce que les prix de vente vont baisser que les infrastructures ne vont plus se faire. Pour information, dans le résidentiel,
en France, le prix de revient de 1m2 est de 1.000€ à la construction. Quand on voit les prix de vente moyen du neuf, on se rend bien compte que le foncier est trop cher. Le marché siffle la fin
de la sur-enchère. Les agences immobilières les moins solides vont fermer.
Nul ne doute que nous traversons une crise financière grave, mais celle-ci est remarquablement gérée comme le montre les événements de ce week-end. Les contours semblent assez clairs maintenant.
Le marché ne s'y trompe pas: il n'a pas plus chuté que cet été contrairement à ce qu'auraient souhaiter les journaux à sensations et les oiseaux de mauvais présage. Il va repartir sur des bases
saines. La sous-valrisation de beaucoup d'actifs est patente, et il suffirait de bien peu de choses pour que le marché s'enflamme. Tandis que le commun des investisseurs se lamente (aidé par la
presse qui relaye la morosité), et craque en vendant, d'autres achètent. Des fortunes sont en train de se constituer...
Un dernier point à regarder concerne les changes et le pétrole.
- le billet vert est maintenant redescendu à 1.41 contre l'euro (contre 1.60 au pire moment de la crise et des incertitudes). La confiance en la monnaie américaine reprend. Ce n'est pas
étonnant au vu de la gestion de la crise. Et entre la semaine dernière et cette semaine, il est passé de 1.42 à 1.41, donc la confiance s'est accrue à la
suite du week-end;
- Le pétrole est redescendu ce soir à 91$ (contre 140$ cet été, au pire de la spéculation sur l'or noir, là où tout le monde prédisait un pétrole à 200$ !!). Sa valeur économique actuelle est aux
alentours de 75$, et il s'y rapproche. La spéculation s'arrête, aidant ainsi l'économie à se reprendre.
La volatilité des marchés reste exceptionnellement forte. Sur le CAC40, elle était à 35% ce soir, soit autant qu'aux pires moments de la crise. Il y a une forte bataille entre les optimistes et
les pessimistes. Les hausses violentes vont alterner avec les baisses violentes à court terme. Mais les haussiers vont l'emporter: le CAC a un PER de 9 actuellement, comme si on avait une
inflation à 11% !! Ce n'est pas le cas à mon avis, et donc il est fort à parier que la hausse l'emporte.