Le monde de la médiation et de l’arbitrage nord-américain est secoué pour le moment par un article publié par le très sérieux magazine “Judicature” de l’American Judicature Society. L’article en lui-même n’est pas disponible en ligne et est réservé au cercle très exclusif des lecteurs de ce magazine, mais la discussion sur son contenu va bon train dans la blogosphère anglo-saxonne, voir par exemple cet article de Geoff Sharp dans “Mediator blah blah…”
Au coeur du débat se trouve la confrontation entre le médiateur, acteur privé dont le bien-être dépend du succès de sa pratique, et le “système judiciaire” qui n’est tenu lui, qu’à contrôler le respect des lois par les citoyens.
L’argument principal de la critique est que le médiateur (ou l’arbitre) va travailler avec comme objectif prioritaire de se garantir un revenu récurrent. Pour cela, il va à terme se rendre dépendant des prescripteurs principaux. Aux Etats-Unis, dans le cadre des médiations commerciales, ce sont souvent les compagnies d’assurances qui vont jouer ce rôle. Elles proposent souvent elle-même le médiateur aux parties en conflit, et auront tendance à proposer un médiateur dont les interventions historiques auront donné des résultats favorables pour la compagnie.
Si l’argument semble encore un peu lointain pour la pratique ouest-européenne (les assureurs ne sont pas encore de grands promoteurs de la médiation), il doit nourrir notre propre réflexion sur la limite de la mission du médiateur par rapport à l’obtention d’un accord.
D’une part, un médiateur consciencieux doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider les parties à atteindre un accord. D’autre part, il doit s’assurer que l’accord reste bien celui des parties. Comment savoir où s’arrêter lorsque nous tentons d’ouvrir des espaces de créativité pour les participants à la médiation ? Et d’un autre côté, comment nous assurons-nous qu’un accord qui s’engage facilement correspond bien aux besoins de chacune des parties ?
Je suis en train de préparer pour le début de l’année prochaine une formation qui sera donnée dans le cadre de la formation continue de l’AMF sur le thème de la place de la thérapie brève en médiation familiale. J’aurai l’occasion d’y discuter assez longuement les domaines dans lesquels il me semble que le médiateur peut développer une stratégie de type “thérapeutique” et ceux dans lesquels il doit absolument se l’interdire. En bref, on pourrait dire que le champ d’intervention du médiateur est clairement celui de la communication entre les parties. Il peut dès lors déployer une stratégie et utiliser les outils qu’il possède pour atteindre ce premier objectif: établir une communication constructive, équilibrée et informée entre les participants. Il ne lui revient par contre pas de “pousser” ses clients vers la recherche d’une solution spécifique.