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Délai d'exécution et lutte contre les retards de paiement

Publié le 16 septembre 2008 par Duncan

CJCE, 11 sept. 2008, Caffaro Srl, aff. C‑265/07

Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit. M. Caffaro, créancier d’une entreprise publique communale italienne, a lancé une procédure d’exécution forcée de sa créance contre la dite entreprise sur base d’un titre exécutoire obtenu conformément à la loi italienne transposant la directive 2000/35. Lors de l’audience devant le Tribunale civile di Roma, l’illégalité de la procédure fut soulevée. En effet, une loi italienne prévoit, dans le cas de l’existence de créances à l’encontre d’une administration, qu’un délai de 120 jours doit s’écouler entre la notification du titre exécutoire et toute mise en œuvre de la procédure d’exécution, délai qui n’a pas été respecté ici . La question préjudicielle posée par la juridiction italienne à la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) peut donc se résumer, en substance, à savoir si ce délai de 120 jours est compatible ou pas avec la directive 2000/35 et plus particulièrement son article 5.

La Cour de Justice se fonde sur une interprétation textuelle du texte pour conclure à la conformité de cette législation avec la directive. En effet, ainsi que le note la CJCE, la directive fixe un délai obligatoire uniquement en ce qui concerne l’obtention d’un titre exécutoire, la procédure d’exécution forcée, par contre, demeure fixée par le droit national. L’article 5 de la directive n’exige qu’une seule chose, que les États membres veillent à ce qu'un titre exécutoire, quel que soit le montant de la dette, puisse être obtenu normalement dans les 90 jours civils après que le créancier a formé un recours ou introduit une demande auprès d'une juridiction ou d'une autre autorité compétente, lorsqu’il n’y a pas de contestation portant sur la dette ou des points de procédure. Il est muet sur les délais éventuels touchant à la procédure d’exécution forcée.
La Cour considère donc, en conclusion, que la directive ne s’oppose pas à la loi italienne.
Ce jugement, postulant une interprétation textuelle, très respectueuse de la répartition effectuée par la directive entre domaine harmonisé et domaines ressortant de la compétence des Etats membres, contraste avec les conclusions de l’Avocat général rendues dans cette affaire. Ce dernier, se basant quant à lui sur une interprétation téléologique de la directive, était en effet parvenu à une solution diamétralement opposée.
Il note tout d’abord que l’objectif de la directive est de prévenir les retards de paiement dans les transactions commerciales afin d’éliminer ainsi les obstacles au fonctionnement correct du marché intérieur découlant de tels retards. Afin de préserver « l’effet utile » de la directive, l’Avocat général considère donc qu’on ne peut admettre une législation qui, de facto, fait passer le délai minimum d’exécution d’un titre de 90 jours à 210 jours. Même si les Etats membres demeurent compétents pour régir la matière de la procédure d’exécution forcée, ceci ne doit pas mener à vider la directive de toute effectivité.
De plus, la faveur accordée aux débiteurs publics va également à l’encontre de l’esprit de la directive qui vise précisément à lutter contre les retards de paiement et ce quelque soit le débiteur en cause, même s’il s’agit d’un marché public. Il note également, pour terminer, que l’Italie a sans doute agi de mauvaise foi puisqu’elle a doublé le délai - le faisant passer de 60 jours à 120 jours - par une loi adoptée six mois après l’adoption de la directive et avant la date limite de transposition.
Il est surprenant que la Cour n’use pas de son large pouvoir d’interprétation, comme elle le fait assez habituellement, pour suivre le raisonnement de son Avocat général. Même si, politiquement, dans le contexte actuel (voir ici), il n’est pas étonnant que la Cour cherche à rassurer les Etats membres quant à l’extension de champ d’application du droit communautaire ; du point de vue des créanciers, la décision de la Cour est très certainement dommageable. A la lecture de la loi italienne, et des conditions de son adoption, il est en effet difficile de ne pas penser que celle-ci a été adoptée explicitement en vue de contrecarrer les effets de la directive en faveur de l’administration.

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