Récemment la directrice de la communication de L’Oréal me disait vouloir faire passer ses collaborateurs de « l’admiration à l’amour » vis à vis de son Groupe. La formule peut paraître excessive car l’amour est un lien fort à une époque où les «nomades coopératifs» que sont devenus les salariés préfèrent les liens faibles, c’est-à-dire choisis et réversibles. Mais elle a un double avantage. D’une part préférer à l’inégalité de « l’admiration » l’égalité de « l’amour » ; d’autre part souligner l’importance des sentiments c’est-à-dire de l’émotion dans l’entreprise.
Michel Maffesoli l’explique bien mieux que je ne pourrai le faire dans son récent ouvrage (Iconologie, Albin Michel) :
«Il n’y a pas lieu de s’étonner que l’on mesure le Quotient Emotionnel. Certes, c’est bien naïf. C’est vouloir quantifier ce qui est de l’ordre de l’impondérable. Mais il s’agit là d’un symptôme, sociologiquement, intéressant. On ne peut plus négliger ou marginaliser ces humeurs nous rappelant que l’animal humain n’est pas que rationnel, il est traversé de pulsions faisant de lui ce qu’il est.
Car, au-delà de l’anecdote de ce fameux quotient émotionnel dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences, il faut admettre que l’émotionnel contamine, de proche en proche, tous les domaines de la vie sociale.
L’entreprise, certes, où les managers les plus subtils sont conscients que l’on ne peut plus gérer les ressources humaines à partir de simples règles tayloriennes, toutes empreintes du rationalisme dominant alors, règles qui étaient le fondement même de toutes les écoles de gestion. Le qualitatif s’impose, qui met l’accent sur le prix des choses sans prix. Et, dès lors, la notion d’équipe affectuelle est prise en compte. Les affinités électives ne sont plus négligées. En bref, l’humain est considéré dans toute sa complétude.
Ne fût-ce que d’une manière allusive, il faut signaler qu’après la production, cet émotionnel va se retrouver, également, dans le marketing. La publicité ne s’adressant plus simplement à l’intellect du consommateur, mais bien à la totalité de ses sens.»
Eric Camel