Des indications commencent à se manifester sur des doutes sérieux qui apparaissent à l’Ouest vis-à-vis de Saakachvili et de sa version de la courte guerre de Géorgie, avec les conséquences inévitables sur le crédit qu’on peut accorder au personnage.
Le journal allemand Spiegel a publié, le 15 septembre, une longue analyse des circonstances de la guerre telles qu’elles commencent à être révisées, en défaveur de la version que Saakachvili ne cesse de répéter. Dans cette perspective, la confirmation, le 15 septembre, du vœu de l’UE d’une enquête internationale indépendante sur les circonstances de la guerre va évidemment dans ce sens, dans la mesure où elle indique un besoin de clarification et une certaine distance prise à l’égard de la version saakachvilienne, jusqu’alors acceptée comme argent comptant.
Le Spiegel signale dans les milieux politiques US et européens de réelles réévaluations des circonstances de la guerre, défavorables à Saakachvili et à sa version selon laquelle il a réagi, avec l’attaque géorgienne en Ossétie du Sud, à une offensive d’ores et déjà en route de la 58ème Armée russe. Il donne aussi diverses analyses d’experts occidentaux allant dans ce sens. Notamment, le Spiegel détaille une évaluation faite par un groupe militaire de l’OTAN, dont il obtenu des indications très précises. C’est ce passage que nous reproduisons ci-dessous, le document devant être considéré par rapport à l’évaluation occidentale initiale entièrement favorable à Saakachvili.
«As SPIEGEL has learned, NATO had already hazarded a far more definitive conclusion at the time. Its International Military Staff (IMS), which does the preparatory work for the Military Committee, the highest-ranking military body in the alliance, quickly evaluated the existing material. The Military Committee includes officers from all 26 member states.
»At noon on Aug. 8, the NATO experts could not have deduced the full scope of the Russian advance, which Saakashvili later described as an attack, while Moscow called it an operation to "secure the peace." Nevertheless, they were already issuing internal warnings that, in light of initial Russian attacks with warplanes and short-range missiles, Moscow was not expected to remain passive.
»One thing was already clear to the officers at NATO headquarters in Brussels : They thought that the Georgians had started the conflict and that their actions were more calculated than pure self-defense or a response to Russian provocation. In fact, the NATO officers believed that the Georgian attack was a calculated offensive against South Ossetian positions to create the facts on the ground, and they coolly treated the exchanges of fire in the preceding days as minor events. Even more clearly, NATO officials believed, looking back, that by no means could these skirmishes be seen as justification for Georgian war preparations.
»The NATO experts did not question the Georgian claim that the Russians had provoked them by sending their troops through the Roki Tunnel. But their evaluation of the facts was dominated by skepticism that these were the true reasons for Saakashvili's actions.
The details that Western intelligence agencies extracted from their signal intelligence agree with NATO's assessments. According to this intelligence information, the Georgians amassed roughly 12,000 troops on the border with South Ossetia on the morning of Aug. 7. Seventy-five tanks and armored personnel carriers – a third of the Georgian military's arsenal – were assembled near Gori. Saakashvili's plan, apparently, was to advance to the Roki Tunnel in a 15-hour blitzkrieg and close the eye of the needle between the northern and southern Caucasus regions, effectively cutting off South Ossetia from Russia.
»At 10:35 p.m. on Aug. 7, less than an hour before Russian tanks entered the Roki Tunnel, according to Saakashvili, Georgian forces began their artillery assault on Tskhinvali. The Georgians used 27 rocket launchers, including 152-millimeter guns, as well as cluster bombs. Three brigades began the nighttime assault.
»The intelligence agencies were monitoring the Russian calls for help on the airwaves. The 58th Army, part of which was stationed in North Ossetia, was apparently not ready for combat, at least not during that first night.
»The Georgian army, on the other hand, consisted primarily of infantry groups, which were forced to travel along major roads. It soon became bogged down and was unable to move past Tskhinvali. Western intelligence learned that the Georgians were experiencing “handling problems” with their weapons. The implication was that the Georgians were not fighting well.
»The intelligence agencies conclude that the Russian army did not begin firing until 7:30 a.m. on Aug. 8, when it launched an SS-21 short-range ballistic missile on the city of Borzhomi, southwest of Gori. The missile apparently hit military and government bunker positions. Russian warplanes began their first attacks on the Georgian army a short time later. Suddenly the airwaves came to life, as did the Russian army.
»Russian troops from North Ossetia did not begin marching through the Roki Tunnel until roughly 11 a.m. This sequence of events is now seen as evidence that Moscow did not act offensively, but merely reacted. Additional SS-21s were later moved to the south. The Russians deployed 5,500 troops to Gori and 7,000 to the border between Georgia and its second separatist region, Abkhazia.»
Cette évolution est évidemment un fait important. L’Ouest se trouve devant la nécessité, – à la fois politique et à la fois du simple point de vue des faits, – d’envisager la révision de sa position radicale, suscité par le courant médiatique et d’idéologie humanitariste, manipulé par les relais d’influence pro-géorgien. Sur le terme, cette position radicale n’est pas tenable parce qu’elle se heurte et se heurtera à une contestation grandissante du simple point de vue des faits d’une part, parce qu’elle nourrit d’autre part une alternative radicale difficilement supportable politiquement, entre une capitulation devant les pressions russes ou un affrontement avec la Russie dont l’Ouest n’a pas les moyens.
Il faut observer combien cette positon radicale, qui n’existait pas dans les deux ou trois premiers jours de la crise où l’agression géorgienne n’était pas mise en doute, qui est apparue sous la pression de la machine virtualiste de propagande, était grossière et complètement primaire, basée sur des affirmations fantaisistes de personnages douteux et sans consistance (de Saakachvili à BHL) mais excellent manipulateurs de la pression médiatique. Sur le terme, elle était difficilement tenable, dans le cadre d’une crise d’une telle importance, avec un acteur de la puissance, de la détermination, et de l’habileté politique et (nouveauté) de communication qu’est la Russie. Quoi qu’il en soit, cette évolution, qui a de fortes chances de se confirmer, représentera, dans la guerre de communication qui pèse d’un poids très lourd dans la crise, une défaite de l’Ouest qui s’est placé lui-même dans une position très difficilement tenable sur le terme. Il est en effet singulier que, dans une crise de cette importance, la position politique d’un ensemble d’une telle puissance ait été déterminée à partir de facteurs d’une telle légèreté, d’une telle inconsistance, relevant d’activités grossières d’influence. Cela mesure la décrépitude extraordinaire où est tombée l’activité politique occidentale, son emprisonnement d'activités d'influence terroristes. Le contraste entre la médiocrité et la superficialité de la cause et l'importance politique considérable des conséquences constituent un constat effrayant.