Une seule petite évolution (et encore, pour le moment ça n’est pas certain, il s’agira de voir dans les épisodes suivants) : il serait bien possible que dans l’un des quatre couples, le mec soit (pour une fois) en position de faiblesse et de méfiance par rapport à sa copine. Celle-ci est une "fille de la nuit" (serveuse dans une boîte) et, de l’aveu même de son compagnon, même s’il lui fait confiance, il n’arrive pas à s’empêcher de penser qu’elle doit être tentée régulièrement et veut donc voir comment elle réagira sur l’île, face aux 12 tentateurs.
Une autre petite remarque que je n’évoquais pas dans mon post de l’année dernière : l’importance de la voix off. Elle est extrêmement soutenue durant toute la durée de l’émission, le timbre de voix est assez dur, un peu comme si sa fonction était de marteler le message par-dessus les images, en une sorte de tautologie un peu lourde.
Mais mieux encore, la voix off a parfois une fonction prédicatrice, à la limite de l’oracle, un peu comme le narrateur d’un roman qui dirait : "X pensait que… il se trompait... il ne se doutait pas qu’en fait…", ou bien encore "X ne savait pas encore qu’il allait arriver ceci…".
Ce procédé permet évidemment une complicité avec le téléspectateur, mais il crée surtout une dimension tampon : l’événement n’a pas encore eu lieu au moment du tournage, les protagonistes évoluent donc sans savoir, par définition, ce qui va arriver ; sauf que dans la mesure où l’émission est enregistrée de longue date, les monteurs savent eux ce qui s’est produit a posteriori. Ils en livrent donc quelques bribes au spectateur, lequel a bien entendu conscience de tout cela, mais lequel est parallèlement, et paradoxalement, comme saisi par l’aspect inéluctable de la chose. Le montage permet en fait de quasiment nous laisser croire au destin et à la fatalité, alors même qu’il dévoile son artifice et ses ficelles.
Cela m’amène au dernier point : L’Ile de la tentation, sans doute beaucoup mieux que d’autres émissions, est toute entière bâtie sur la duplicité. Il ne serait pas exagéré d’y voir une esquisse de réflexion morale sur le couple, les sentiments, les liens, la fidélité et l’infidélité (l’émission mettant en relief la mesquinerie et la versatilité des comportements humains et notamment affectifs), ce qui n’empêche pas le cynisme du programme : voyeurisme, plaisir à voir souffrir les protagonistes, délectation à anticiper sur l’avenir de ces couples (vont-ils rester ensemble ? se séparer ?).
Cette émission exploite, comme la plupart des autres, la schizophrénie du spectateur (culpabilité/jouissance notamment) mais, de par son dispositif, son esthétique et son rythme narratif, de par les questions relativement profondes qu’elle suggère, elle atteint un niveau rare dans le paysage audiovisuel.