Magazine
Voici un roman que j’ai dévoré en
deux jours, et que j’ai trouvé incroyable. C'est fou la mise en abîme que
l'écrivain arrive à créer, en grande partie grâce à son talent littéraire. Le
maître du Haut Château est souvent cité en exemple quand on parle d’uchronie,
genre que l’on pourrait résumer par « que se serait-il passé si ? ».
Le roman raconte un univers dans
lequel l'Axe (Allemagne / Italie / Japon) a triomphé sur l'Alliance (Etats-Unis
/ Angleterre). L'Europe est dominée par les nazis, qui ont pu sans complexe
étendre leur politique raciale à jour ouvert. Il n'y a plus que quelques rares
juifs par-ci par-là qui se cachent, et l'Afrique est devenue un espèce de
réservoir pour leurs expériences inhumaines. On parle même de cannibalisme nazi
! Le Japon, quant à lui, domine l'Asie et le Pacifique. Les Etats-Unis, enfin,
sont partagés, entre l'Allemagne pour la côté Est et le Japon pour la côté
Ouest.
Différences de culture,
différences de gestion, d'un côté le Japon est resté le pays traditionaliste
qu'il était avant de perdre la guerre, à base de maîtrise de soi, de ses sentiments,
de spiritualité et de sens de l'honneur très poussé. Leur technologie est assez
peu avancée, et ils n'en ont pas vraiment besoin, tant ils ont su
dompter les populations sous leur coupe, qui doivent rester à leur
place (c’est à dire très en bas dans l’échelle sociale), en leur imposant leur
culture zen.
A l'opposée, le IIIème Reich est
une nation technologique et dictatoriale qui laisse la part belle à la science.
Au moment où se passe le roman (dans les années 60), les nazis viennent de se
poser sur Mars, et parlent d'aller coloniser Venus.
De part et d'autre, le peuple
américain en tant que tel n'existe plus vraiment. Leur culture, peu à peu,
s'efface devant celle des vainqueurs. Pourtant, un roman, interdit en
territoire allemand, et plus ou moins ignoré en territoire japonais, circule
sous le manteau. Il raconte l'histoire d'un monde où les Alliés auraient gagné
la guerre...
Le maître du Haut Château
est vraiment un roman étrange, incroyablement pénétrant. Tout son succès vient
de la maîtrise de l'écrivain, qui parvient à rendre terriblement crédible cet
univers parallèle. Et donc à nous faire douter. Dans Le maître du Haut Château,
l'Axe a gagné, et un roman parle avec un réalisme bluffant de la victoire des
Alliés. Dans notre monde, les Alliés ont gagné et un roman parle avec un
réalisme bluffant de la victoire de l'Axe. Où se situe la vérité ? Sommes-nous
vraiment dans le monde réel ?
Ce qui m'a le plus impressionné dans tout ça, c'est que Philip K. Dick a réussi
à vraiment « donner » le monde aux japonais et aux allemands. Ce qui
signifie qu'il a créé un univers où les japonais n'ont jamais été vaincus,
n'ont jamais été occupés par les américains qui ont tellement influencé leur
culture. Car que reste-t-il du Japon traditionnel ? Si peu. Tout ce qu'ils
sont, aujourd'hui, ils le tiennent des américains. D'où la difficulté de les
repenser en tant que vainqueurs, en tant que culture dominante. Sur ce coup-là,
l'écrivain est vraiment génial.
Bref, ce roman est un univers extraordinaire de crédibilité. Ne vous attendez
pas à un roman d’action et d’aventure, mais à une description du monde, d’un
autre monde. Une terrifiante et très crédible description.
A ne pas lire si vous avez déjà
des tendances paranoïaques !
Note :