Des fois, je me dis que j'ai de la chance, quand même. Tenez, là, je rentre de week-end, j'ai claqué 68 euros de train, en moins de quatre jours. Ca pourrait me faire mal au cul, et ben même pas, parce que j'ai de la chance : j'ai un petit frère de première catégorie. D'ailleurs, c'est ce que mon papy a dit la dernière fois que je l'ai vu, que mon tonton et ma tata l'avaient trouvé vraiment gentil. Il a rajouté après coup " mais toi aussi, hein ! ", mais le mal était fait, le mot était dit, il est gentil, et c'est même pas péjoratif.
Ca remonte un peu, faut croire. Déjà, quand on était tous pitits, c'était le sale chouchou, parce qu'il mettait la vaisselle dans la machine. Mais je me suis vengé de cette époque il y a longtemps, en lui donnant un coup de lampadaire en fonte sur la tête et en lui faisant exploser l'arcade sourcilière, bam.
Enfin bref, voilà, il est bien, mon ptit frère. Enfin, il est bien pour moi, hein, je dis pas qu'il est adaptable à toutes les catégories de grand frère. J'en connais qui ne sont pas aussi accommodants que moi, et prendraient mal de se voir offrir la chambre du rat qui pue à cause de l'herbe en train de pourrir dans la cage et des chaussettes qui fermentent sous le lit au matelas arrosé de pipi de rat et aux draps baptisés au vomi il y a quelques temps, ou de se prendre des chaussettes sales sur le nez, ou d'être forcé à lire des BD avec des zombies qui arrachent la gorge des gens avec les dents et qu'on leur voit les artères qui giclent.
En même temps, ç'aurait été con qu'il me convienne pas, vu que je suis un peu responsable de sa venue au monde, quelque part, vu que c'est parce que j'ai fait un voeu en lançant une pièce dans une fontaine à voeux qu'il est né, lui et sa jumelle. J'ai un peu foiré mon coup, et réclamé finalement un petit frère et une petite soeur après avoir demandé l'un ou l'autre, ce qui fait que le préposé aux miracles s'est un peu chié et qu'il a failli le faire clamser de MSN au bout de quelques jours, mais il s'en est tiré, même s'il a gardé des ventouses sur le bide un moment et qu'il est tout maigre comme un môme d'alcoolique.
Mais malgré ces mésaventures, quelques mesquineries de mômes et le fait qu'à une époque on ne pouvait pas le concevoir comme autrement que la moitié des jumeaux, ce qui n'aide pas à accepter le fait qu'il puisse avoir une personnalité à lui, maintenant, ça va bien. Je suis très content de mon frère, malgré l'hygiène douteuse de son environnement.
Il y a plusieurs raisons à cela :
-Il sait faire les frites. Mieux, il sait les faire pendant que je regarde les 100 pires sales mômes sur TF1. Et ce, avec un matos plus que limité : des patates, un couteau, une casserole, de l'huile, un plat et du PQ.
-Il me fait lire des trucs en BD que j'aurais jamais lus sinon, et je l'aurai regretté : Dragon Ball (en fait, c'est vachement bien les premiers), Girls (j'ai failli rater une BD de zombies avec des femmes à poil à la place des zombies !), Lucha Libre (j'ai failli rater une BD avec des catcheurs mexicains et des pom-pom ninjas !), pis d'autres trucs aussi. Et on peut en discuter sans chercher à analyser plus loin que " waaaa ptain il avait une puissance de 2000 alors qu'il avait même pas fait de double kaïoken ! ". J'aime.
-Il a le bon goût d'être indulgent quand il lit ce que je peux écrire sur les nichons, qui ne sont pas un sujet facile, et à émettre des suggestions quand je lui pose des questions comme " qu'est-ce que ça fait comme bruit, un sein qui tombe par terre ? ".
-Il est la seule personne de mon entourage avec qui je peux débattre de l'intérêt supérieur de la génétique végétale sur l'animale, de la cinétique enzymatique, de protéine G, de membrane cellulaire, de vomissements fécaloïdes ou de pus de rat vert fluo.
-Il supporte sans broncher que je l'appelle chaton ou chouchou ou chouminou même devant ses copains.
-Il est disposé à discuter de l'intrigue d'un super scénario qui verra peut-être un jour le jour avec des gamines communistes, des mamies à la solde des nazis et des korrigans et des poulpes géants.
-Il est capable de ne rien dire quand il n'y a rien à dire, juste laisser passer le temps en regardant les nuages avec des lichens dans le dos.
Pour tout ça, merci, ptit frère. Mais surtout pour les frites.