Les peuples de l’Antiquité et leurs prédécesseurs qui ont élevé les mégalithes honoraient les morts et leurs esprits. Les morts étaient honorés comme les esprits vivants d’êtres aimés et les gardiens dépositaires des fondements de la sagesse de la tribu. On se demande si ce n'est pas pour cette raison que les Celtes conservaient les crânes des ancêtres et des héros et peut-être peut-on voir aussi une correspondance entre ce culte et les sculptures représentant des têtes d’hommes couronnées de feuilles de gui (le gui, panacée mais surtout plante de l'immortalité). Notons au passage que les chrétiens, et notamment Saint Augustin, reprochaient vivement aux païens le culte qu’ils rendaient à leurs morts et plus précisément les prières qu’ils leur adressaient directement (les chrétiens, eux, prient pour leurs morts ...).
Dès l'époque préhistorique, favorisés par un climat assez doux, les Européens du sud, ou Sudéens, ont probablement été les premiers Européens à se sédentariser, à commencer à pratiquer l’agriculture en gagnant sur les forêts par le déboisement et à construire des édifices religieux permanents. Ils pratiquaient aussi l’élevage, en contenant les animaux dans des enclos. Dotés du sens de l’organisation collective, avec une société très hiérarchisée et structurée, les Sudéens étaient essentiellement animés par la nécessité de prévoir, de stocker, d’organiser le travail et, puisqu’ils vivaient dans des maisons, de construire des villages solides et d’en assurer la défense, ce qui est probablement à l'origine de l'apparition de la classe des guerriers. (ci-contre, reconstitution du village lacustre de Paladru, en Isère, à l'époque néolithique).
Ces agriculteurs qui ont compris le cycle enfouissement des semences / pousse / maturation et mort semblent révérer la Déesse Mère qu'on appellera Rigantona et leur animal fétiche est la vache (ou le taureau). Ils considèrent la Terre comme une Mère providentielle et divine, agissent par magie sur les bêtes et les hommes et en général sur toutes les forces d’une nature qu’ils veulent encore plus bénéfique. Leur système social prédominant est sans doute de type matriarcal. Ils ont également compris que la cohésion sociale du groupe dépend de la présence perçue des Ancêtres qui veillent sur leur lignée et ils pratiquent leur culte en érigeant en leur honneur des pierres levées, ou menhirs (dont la taille est proportionnelle à la « valeur » de l’individu) et des figures taillées dans le bois. Ils élèvent aussi des pierres (« Sièges des Esprits ») sur lesquelles les âmes des morts sont censées s’asseoir ou dans lesquelles elles se réfugient ou se réincarnent, et qui conservent indéfiniment les qualités de ces morts et assurent la fertilité des hommes, comme celle des troupeaux et celle des terres. Les monuments qu’ils élèvent en l’honneur de leur chef défunt deviennent souvent le centre culturel et social du village et c’est autour de lui qu’on danse et qu’on assiste aux rituels publics.
Avant de devenir, eux aussi, éleveurs, les Européens du nord, ou Boréens, qu’on appelle aussi les « Hommes du Renne », vivent, eux , à la frontière des glaces nordiques et suivent, dans leurs migrations les troupeaux de rennes, de bisons et d’aurochs. Ce sont des chasseurs nomades et ils assimilent le Dieu-Père qu’ils vénèrent, qui deviendra Kernunos, à leur animal fétiche en le coiffant souvent des ramures de rennes. Le culte des Ancêtres qu’ils pratiquent se rattache pour l’essentiel à l’Ancêtre mythique, c’est à dire « un personnage considéré dès l’origine comme surhumain ou semi- divin, révéré sous la forme d’un totem en bois sculpté, plus facile à emporter par la tribu » (Mircéa Eliade), qu’ils considèrent comme leur créateur qui leur a insufflé une particule de sa vie et celui qui leur a appris tout ce qu’ils avaient besoin de savoir pour assurer leur survie. Ces Ancêtres veillent sur la tribu et se réincarnent perpétuellement dans ses membres puisque la particule de Vie insufflée à l'origine constitue une sorte d'âme immortelle.
Le bien-être des morts dépend de l’attention que leur accordent les vivants car le mort craint l’oubli de ses descendants. De cette manière, les morts qui sont passés dans un Autre Monde restent pourtant présents auprès de leurs descendants et établissent ainsi un pont entre les deux mondes.
Pour ces peuples européens, le culte des morts tient donc une grande place dans la vie quotidienne et religieuse puisqu’ils considèrent que ces derniers sont encore présents parmi les vivants et qu’ils sont les dépositaires d’une force bien supérieure à la leur. Ce culte est essentiellement déterminé par la croyance selon laquelle toutes les formes d’existence, des hommes, des animaux et même des produits de la terre sont, d’une manière ou d’une autre, influencées par les ancêtres défunts. Ce qui explique pourquoi nos ancêtres païens priaient directement les morts, comme on l'a vu.
Lors des enterrements, en général collectifs, on offrait habituellement aux défunts des biens d’usage courant que l’on disposait dans les tombes avec les cadavres. Puis, au cours du rituel funéraire, on brûlait d’autres biens qui allaient suivre l’âme du défunt dans le royaume des morts.
Si ce culte des défunts et des ancêtres prend de l’importance au Mésolithique, car il faut entrer en contact avec eux pour s’assurer leur protection (et ce sont les sorciers prêtres de ces tribus, les chamanes, qui servent d’intermédiaire entre les hommes et les âmes des ancêtres), il acquiert une importance fondamentale au Néolithique avec l’affirmation de l’agriculture et de la sédentarisation. En effet l’observation du mystère du cycle mort et renaissance de la végétation influence les croyances sur la vie post mortem et les croyances en une vie après la mort et l’idée selon laquelle les défunts ont un moyen d’exercer une influence sur le monde des vivants se renforcent.
Le développement et la diffusion de l’agriculture au Néolithique a fait glisser un rapport qui reliait l’homme à l’animal (qui prédominait au temps des chasseurs du Paléolithique) à un rapport reliant l’homme à la végétation. C’est de cette époque que datent les fêtes saisonnières liées au cycle de la végétation et les mythes qui intègrent la mort, puis la renaissance d’une divinité. La liaison entre la fécondité féminine et la fertilité de la terre devient alors un élément fondamental et l’association qui apparaît primordiale est celle de la Mère et de la Terre. Il faut souligner le fait que l’essentiel des mythes du Néolithique dérive de l’agriculture. Les cultes de la fertilité, de la femme comme de la terre, les mystères de la naissance, de la mort et de la renaissance qui s'illustrent grâce aux rythmes des saisons et de la végétation sont des valeurs qui s’articulent progressivement. ...
L’hommage à la Grande Déesse et sa célébration privilégiait la vie féconde et toujours renaissante par le biais du culte des morts que l’on réintégrait dans les matrices telluriques qu’étaient les sépultures mégalithiques. Car les menhirs et les ensembles mégalithiques sont des centres cérémoniels en liaison avec le culte des morts et avec le chamanisme, en même temps que/ou des observatoires astronomiques, solaires ou parfois lunaires. Les dolmens, eux, et les tumulus qui sont des reconstitutions des grottes initiatiques magdaléniennes, sont des sépultures et les constructions mégalithiques des sites religieux et funéraires (ci-contre : dolmen de Campoussy, Languedoc).
La Terre mère est la Grande mère, la Déesse mère, qui personnifie l’énergie féminine et terrestre distribuant la vie en abondance, qu’elle soit humaine ou végétale, et à son culte s’associe celui rendu aussi à l’eau, à la lune, à la femme et à la fécondité.
......................................Menhir de Chigy, Morvan
La religion des Mégalithiens serait donc une religion cosmique centrée sur la rénovation périodique du monde, et à coté de ce symbolisme féminin apparaît aussi un élément masculin très souvent assimilé au taureau qui permettra progressivement au culte du Ciel protecteur d’être associé à celui de la Terre mère.
Omios.
Bibliographie :
Revues : Nouvelle Revue d'Histoire
Druvidia
Collectif : « L'Europe Païenne », Seghers.
Antoine Fabre d'Olivet, Histoire philosophique du genre humain.
Myriam Philibert, Les Mythes préceltiques, Editions du Rocher.
Guy Rachet, Les Matins de la France, Bartillat.
Dominique Venner, Histoire et Traditions des Européens, Editions du Rocher.
J. Briard, Mythes et symboles de l'Europe préceltique. Les religions de l'âge du Bronze (2500 - 800 av. J.-C.), Editions Errance, Paris, 1987.
Jean Guilaine, Au temps des dolmens, Privat, 1998.
Claude Masset, Les dolmens, sociétés néolithiques, pratiques funéraires, Editions Errance, Paris, 1997.
Commentaires de sites mégalithiques sur Communauté gauloise :
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