Six septembre: premier samedi après la réouverture de l'antre de Maître Tseng... Date immanquable, et hautement dangereuse pour mes finances - j'avais déjà au courant de ce début de mois fait une sacrément belle commande chez Yunnan Sourcing. Je ressort de ce magasin des secrets, conseillé par Gilles, avec un Lao Jun Mei et un thé qui a fait couler de l'encre et provoqué une génération spontanée de commentaire, leur fameuse cinquième grande toge rouge. Auquel s'est rajouté une merveille dont je vous reparlerais sous peu, le Mi Lan Xiang 5...
Mon premier contact avec les thés des Rochers, le soir, à la lumière des bougies, devant mon Lao Jun Mei. Essai en théière. Dosage léger, enfin autant que pour un Dan Cong léger. Infusion longue: 30''+10 secondes à chaque fois.
Mais la magie n'opère pas. Le thé a de la puissance, comme je n'en n'avais jamais rencontré chez un oolong, rond, boisé, mais fumé et très sec... Je ne sens que la torréfaction. Au loin, c'est comme si des notes subtiles se présentaient à moi, mais je n'arrive pas à les percevoir, comme si le thé était aphone et tentait de me crier une vérité qui ne voulais pas sortir. Le lendemain, rebelotte!
J'essaie ma grande toge rouge, en variant les dosage, avec des infusions beaucoup plus courtes. Le thé est plat, sans grand reliefs: même boisé, même sécheresse, mêmes cris aphones. Je ne comprends pas, je ne peux pas être tellement dans le faux! Je n'ai plus raté autant un thé depuis si longtemps. Et voilà que les thés que l'on encense tant me laisse autant de marbre? Il y a quelque chose qui cloche. Et pourtant dans la théière réchauffée, les feuilles encore sèches embaument des notes si agréable!
Il faut faire quelque chose. Face à ces doutes, je décide de revenir humblement aux bases, je laisse quelques jours s'écouler où je retourne à mes pu ehr, à mon baozhong, pour prendre du courage pour ce combat décisif contre l'Inconnu. Je m'arme de mon Gaïwan . Un chant ancien me vient en tête:
Voyez cela, je vois mon père,
Voyez cela, je vois ma mère, mes soeurs et mes frères.
Voyez cela, je vois tous mes ancêtres qui sont assis et me regardent.
Et voilà, voilà qu'ils m'appellent,
et me demandent de prendre place à leur coté,
dans le palais de Walhalla, là où les braves vivent à jamais.
Préchauffage de mon gaïwan, assez long, au point qu'il soit à peine maniable sans se brûler les doigts. Rinçage très léger des feuilles, juste pour qu'elles s'hydratent, qu'elles se dépoussièrent.
Des tasses lourdes en céladon, voici le tantô que j'ai choisi. Si le combat échoue, je ne perdrais pas mon honneur, je n'aurais plus qu'à enfoncer ma lame dans l'abdomen et y faire une croix pour libérer mon âme. Avec le vainqueur pour témoin.
La tension est à son paroxysme, regardant dans les yeux de mon adversaire, je pouvais voir ma propre peur.
Première infusion:
L'eau juste au ras des feuilles, infusion courte, temps inconnu, avec le couvercle du gaibei comme seule mesure. Le thé est rouge orangé. La liqueur laisse apprécier des odeurs boisée et pâtissières de pâte à tarte levée légèrement sablée (celle qu'on utilise traditionnellement pour la zwatchkawai). Ou bien une pâte à tarte sablée comme on en fait par chezmoi, épaisse, avec autant de noisette et de noix que de farine, le chocolat en moins (car chez moi dans la pâte à Linzertart, il y a du chocolat...) quelque chose de très gourmand.
Passage donc par la tasse à sentir. Et là chose étonnant. Au départ, ce sont les notes de torréfactions qui ressortent: un peu fumée, très boisée. Puis ce sont les notes caramélisée qui viennent (pas du salidou comme pour le Dong Ding de Stéphane, du vrais caramel). Elles sont suivies de notes pâtissières, des notes de tarte, de fuits secs un peu, de boulangerie (pain levé). Et enfin des fruits confits, du coing et de la prune... Le thé s'est révélé. L'étonnant dans tout cela, c'est l'ordre d'arrivée, totalement inversé par rapport aux thé taïwanais que je connais qui font d'abord ressortir le fleuri puis le fruité et enfin le caramel, la cacahouète et la noix de coco...
Infusions suivantes:
Cinq en infusions en tout. Le combat devra s'achever tel quel, sans vainqueur, sans vaincu, le status quo. Je n'en puis plus, le thé non plus. Chacun a donné tout ce qu'il pouvais... Fin de la bataille.
On reportera à une expérience plus poussée le choc décisif. Mais aucun des deux n'est sorti indemne.