- Le renflouement de Bear Stearns (300 milliards de bons du trésor échangés par la FED contre des crédits à risque...bien entendu cela ne signifie pas 300 milliards de pertes, mais au final toutes les pertes associées à ces crédits reviendront au contribuable, via une recapitalisation de la FED si cela s'avérait nécessaire.
- Le sauvetage de Freddie et Fannie Mae (200 milliards promis par l'état).
1) Commençons par les aspects positifs, et par quelques faits qui iront à l'encontre de théories qui circulent en abondance sur le web au sujet de la "faillite de l'état US" :
La dette de l'état US se monte aujourd'hui à 9 700 milliards de $, soit environ 65% du PIB US. Ce ratio n'a rien d'extraordinaire, et il est comparable à celui de beaucoup d'autres pays développés :
64% pour la France, 63% pour l'Allemagne, 104% pour l'Italie.
Mais cette dette US a une structure particulière, qui lui donne un énorme avantage que beaucoup d'autres pays n'ont pas : près de la moitié de cette dette est détenue...par l'état lui même, plus précisément par des fonds de garantie des retraites qui ont accumulé des réserves sous forme de bons du trésor. La dette nette réelle (ce que l'état US doit aux acteurs économiques extérieurs à lui) s'élève à seulement 38% du PIB en 2008, ce qui fait de l'état US un des états les moins endettés des pays développés. La France par exemple n'est pas dans cette situation, les 65% de dette de notre état sont bien dus à des agents extérieurs à lui !
Certains répondront que les engagements de l'état en matière de protection sociale pour les années et décennies à venir représentent une dette « virtuelle » astronomique. Mais cet argument ne tient pas : Il en va de même pour tous les autres pays, et l'état US a toujours la possibilité en cas de problèmes d'adopter un régime de protection sociale à l'européenne avec un système par répartition dominant. D'une manière générale, les « engagements » de l'état en matière de protection sociale sont des promesses politiques, qui n'engagent que ceux qui y croient, et qui sont faites pour être « révisées » (nous l'avons vu avec les « changements » sur les durées de cotisations nécessaires et le niveau des prestations sociales et de retraites dans divers pays d'europe) : Les « engagements » de l'état ne l'engagent dans le monde réel...à rien !
Ce faible niveau actuel de la dette publique US explique l'excellente résistance des bons du trésor depuis le début de la crise, et le niveau très bas des taux d'intérêt que les détenteurs de ces bons sont prêts à obtenir (3,7% seulement sur le 10 ans actuellement).
Au cours des 60 dernières années, cette dette publique nette (courbe rouge du graphique ci-dessous, issue de l'excellent article de wikipedia sur le sujet) a été parfaitement maîtrisée, contrairement à la dette privée :
Les aspects moins positifs maintenant :
Si la situation actuelle de la dette publique US est encore très bonne et donne au gouvernement US une certaine marge de manoeuvre, elle a de fortes chances de se dégrader à l'avenir pour plusieurs raisons : - L'état aura moins de rentrées fiscales.
- En situation de croissance, l'état peut augmenter sa dette au rythme du PIB sans modifier le ratio dette / PIB...Quand la croissance prend fin, il ne peut plus le faire.
- L'état devra renflouer encore de nombreux organismes financiers pour éviter une panique totale.
- L'état devra répondre à la détresse sociale engendrée par la crise.
Ces éléments font que le déficit public US a toutes les chances d'augmenter fortement dans les années à venir : le déficit budgétaire devrait plus que doubler cette année, en restant cependant encore à des niveaux contenus (3% du PIB, la France ne fait pas mieux)...mais le gros de la crise n'est pas encore arrivé.
La marge de manoeuvre des autorités.
Commençons par rappeler un point essentiel :
Contrairement à ce que l'on peut lire ici et là, les autorités US ne sont pas en train de « racheter » ou « monétiser » toutes les mauvaises dettes du système, et il n'y a aucune « planche à billets » de la FED qui fonctionne aujourd'hui anarchiquement (voir ce graphe de l'agregat M1, qui est le seul qui soit contrôlé par les autorités US).
La réalité est que les autorités US interviennent effectivement (heureusement !), mais elles ne décident pas de leur marge de manoeuvre : celle-ci est dictée par le marché (donc les détenteurs de bons du trésor) : Dans le contexte actuel, ce que les autorités cherchent à éviter à tout prix est une hausse des taux longs, car cette hausse précipiterait l'implosion de la bulle de crédit privé qui est le problème principal. Donc tant que le marché acceptera que l'état laisse filer son déficit, les autorités pourront intervenir comme elles l'ont fait jusqu'ici...Mais si le marché dit « stop » (via un début de hausse des taux longs), les autorités n'auront plus de marge de manoeuvre. Leur refus (jusqu'ici) d'engager les fonds publics pour sauver Lehman est révélateur : les autorités se disent logiquement « nous ne pouvons pas griller nos munitions trop vite, parce que d'autres problèmes plus graves vont arriver et nécessiteront notre intervention ».
Ces « problèmes » étant les faillites à venir de nombreuses banques régionales ou même nationales, qui nécessiteront des renflouements répétés du fonds de garantie US (le FDIC, actuellement capitalisé à hauteur de seulement 50 milliards de $). Ma conclusion est que : 1) En raison de cette contrainte sur les taux longs, et de la marge de manoeuvre dont elles disposent, les autorités US pourront sans doute venir en aide aux banques les plus essentielles du système, mais elles le feront au compte-gouttes, sans pouvoir faire de plans de relance économique ayant un impact significatif (sur le long terme) face à la contraction du crédit (qui représente, rappelons le, la fin d'une expansion du crédit de 4000 milliards par an) : l'épisode de récession forte / déflation aura bien lieu.
2) Il pourrait arriver un moment où la contrainte sur les taux longs disparaîtra...Tout simplement parce que l'implosion de la bulle de crédit et la récession seront déjà à leur maximum d'intensité et que les autorités se diront alors « nous n'avons plus rien à perdre ». A ce moment, et seulement à ce moment, il est tout à fait possible, et même assez probable (cela dépendra des choix politiques effectués alors) que le gouvernement laisse complètement filer le déficit public et la confiance dans la monnaie pour effacer par l'inflation ce qu'il reste de dette en excès. Et il faudra alors changer son fusil d'épaule pour adopter une stratégie inflationniste. Mais pas maintenant !