- Ah Sophie ! Quel homme ce Benoît XVI ! Comment fait-il ?
- C'est sa dimension spirituelle qui vous impressionne ?
- Non, il est moins marrant qu'on le dit. Ce qui me scotche, c'est le respect qu'il suscite. Un type intelligent, d'accord, un Chef d'Etat, admettons, mais bon... élu par des gars qu'il avait patiemment fait nommer, ni chômage ni crise ni déficits publics à se coltiner. Et pourtant tu aurais vu le regard de Carla...
- Vous voudriez que le Pape en impose avec une Patek Philippe au poignet ?
- C'est ça, paye-toi ma tête, toi aussi.
- Voulez-vous travaillez cela ?
- Cela quoi ?
- Votre peur bleue de ne pas mériter le respect ?
(Résumé des épisodes précédents : Sophie poursuit son activité de coach auprès de l'hôte de l'Elysée. Toute ressemblance entre les structures psychiques illustrées dans cet article et une quelconque réalité serait fortuite. Cette scène est tout aussi fictive que les huit premiers épisodes des Aventures de Sophie disponibles ici.)
- Je veux bien Sophie, mais c'est pas une peur, c'est un fait. Regarde comme je suis insulté. Personne n'a jamais traité un président avant moi de Nabominable. Comment changer ça ?
- Comment pourriez-vous vous en passer ?
- Je ne te suis pas. Je te dis que je donnerais n'importe quoi pour que ça cesse.
- Au fait, ça serait pas un temps à chocolats ?
Le Président actionna un bip dans dans sa poche. Trois gardes du corps surgirent. La vue de la petite leur soutira un sourire forcé.
- Demandez à Vaussion la boîte convenue, laissez-nous seuls.
Ces nouvelles ganaches étaient encore plus sophistiquées que les premières. Où allaient-ils chercher tout ça ? La crise n'avait pas ses entrées au Palais. Sophie admirait la gloutonnerie de son client qui poussait chaque bonbon avec le suivant. Tout ça pour s'essouffler avec sa coach de sport...
- Bon, on travaille ? Vous avez fait quoi, jusqu'à maintenant, pour avancer sur cet objectif ?
- J'en ai parlé, attends... à un psy, non, à deux psys, et à un bon copain. Et à ma femme aussi.
- So what ?
- Tu connais les psys, si ils étaient sains d'esprit, ça se saurait. Le premier m'a dit que mon père avait manqué de respect à toute ma famille, et que je continuais à provoquer ça pour le séduire. L'autre a employé des termes à lui, ça avait l'air grave, j'ai rien compris. Carla prétend que ça me plait d'être maltraité. Mon copain pense que je suis respecté mais trop sensible aux débordements que provoque ma position. Avec ça j'en suis au même point.
- C'est encore votre femme la plus fine. Mais prendre conscience ne suffit pas.
- Ah non, pas du tout, ça ne me plait pas d'être insulté par tous ces connards qui ne me craignent pas.
- Qu'est-ce qui devrait vous rendre respectable à leurs yeux ?
- Je te vois venir, j'y ai pensé. Oui, bien sûr, ma réussite, ma femme, mon pouvoir, mes montres de luxe, pour te faire plaisir, tout ça c'est l'extérieur. Au fond de moi, c'est une autre affaire. J'ai eu 53 ans pour méditer là-dessus. D'accord, je ne suis pas grand-chose, mais c'est le lot de chacun de nous, et il me semble avoir pris un peu de recul sur tout cela. J'ai aussi droit au respect que mérite tout homme !
- Alors prenons-le par l'autre bout. Quel serait le contraire de respecter ?
- Ce qui me vient à l'esprit c'est respecter une femme, l'inverse serait de coucher avec elle.
- Ou simplement la toucher, n'est-ce pas ? Au fait, qu'est-ce que vous faites quand vous touchez presque tous les hommes que vous rencontrez ?
- Euh, pas les trop grands, mais, oui, un paquet. Tiens, même le Pape, je ne m'en suis pas privé, pourtant c'est pas un méridional. Qu'est-ce que tu veux dire, qu'à force de toucher tout le monde personne ne peut plus me respecter ?
- Qu'est-ce que ça dit en vous ?
- Que, oui, j'aime bien les rapports et les contacts aux hommes, j'aime aussi m'entourer de femmes mais rien ne vaut une bonne bourrade virile. Tu vas me ressortir le contact que mon père m'a refusé ? Je connais tous ces refrains psys, ça mène à rien Sophie.
- Sans réfléchir, en quoi vous sentez-vous un père ?
- Sans réfléchir, je ne me sens pas père du tout. J'ai trois fils, mais je me sens comme eux, un grand garçon, pas un père. Attention, je suis le Président, donc le père de tous les français aussi.
- Que faites-vous de mon regard sur vous en ce moment ?
- Toi, tu me respectes, ça me fait du bien. Et je sais que ce n'est pas lié à mes exploits de Président ou de beau parleur. Devant toi, je ne crains aucune marque d'irrespect, c'est leur problème si ils ne peuvent pas respecter leur Président.
- Je ne vais pas vous laisser conclure, mieux vaut que ça reste en travail. Je vous dis à la prochaine fois ?
- J'ai des devoirs à la maison, entretemps ?
- Comme d'hab, restez vigilant, écoutez ce que vous ressentez, tout se passe dans vous.
Le Président resta songeur. Comment des entretiens aussi courts pouvaient-ils le faire évoluer ?
"Une de plus, en tous cas, que je ne prêterai pas à Fillon, elle serait capable de le rendre attirant ! Manquerait plus que ça."