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Je ne cesse de courir, au fond

Publié le 14 septembre 2008 par Perce-Neige
Alors, je suis mise à courir aussi vite que je le pouvais, sans plus me retourner sur personne, traversant sans respirer le hall presque désert, filant comme une dératée le long du quai qu’accostent les navires chargés de blé, d’agrumes et de bois précieux, là où logent des marins au torse puissant, et au rire chaloupé, et dont les silhouettes incertaines chavirent, pour peu que la nuit s’avance, dans les bars et les tripots des mauvais quartiers, et jusqu’aux abord de l’église même, au point qu’ils vous couvrent d’insultes pour peu que vous vous aventuriez là bas, et que vous les regardiez de travers, je veux dire de trop près, si bien qu’ils ont tôt fait de vous attraper par la manche, histoire d’exiger quelques excuses, s’amusent, tant et tant, à vous demander des comptes, que vous pourriez finir par céder, d’autant qu’ils se plaisent à vous donner quelques frissons, insistent en ricanant comme des malades et puis n’écoutent jamais vos propres réponses, se moquent rigoureusement de tout comme du principal, se désintéressent brusquement de vous, attirés, on ne sait pourquoi, par un autre parfum que le vôtre, un autre rire, un autre murmure étouffé, disparaissent peu à peu dans la nuit étoilée, s’évanouissent aussi vite qu’ils vous était apparus, vous laissant seule, soudain, à pleurer votre jeunesse, quand vous portiez encore de jolies jupes à demi transparentes, et que vos cheveux, longs et bouclés, couvraient vos épaules de douceur et d’innocence, quand vous n’étiez pas Violaine Parmentier, tout simplement, l’épouse unique et choyée de Paul-Henri, l’attaché culturel de l’ambassade, la mère de trois affreux mouflets dont les prénoms, à eux seuls, valent toutes les migraines du monde et, surtout, quand vous n’aviez pas cette espèce de furie à vos trousses, qui cherche à vous estourbir pour de bon, cette fois, et à chaque seconde qui passe vous traite à nouveau de salope, de vieille pute, de dérangée de la cervelle et du sexe, comme si Lemercier en personne, qui m’adore à la folie et dans les bras de qui j’oublie régulièrement les blessures et le chagrin, ne m’avait jamais avoué, dans un souffle d’azur, qu’il m’aimait à la folie. J’ai rêvé, c’est ça ?

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