La Princesse de Clèves revisitée par Christophe Honoré

Publié le 14 septembre 2008 par Maryelen
Résumé:
Junie a 16 ans. Elle vient de perdre sa mère et arrive en cours d'année à Paris chez son cousin, Matthias. Elle intègre sa classe et est rapidement courtisée par un ami de celui-ci, Otto, garçon calme et sensible. Contre toute atttente, elle finit par céder à ses avances. Toutefois, son professeur d'italien, coureur de jupons invétéré aussi bien du côté enseignant qu'étudiant, est rapidement sous le charme de Junie. Elle-même tombe follement amoureuse de lui, mais elle refusera pourtant de céder à cette passion naissante, car ce n'est à ses yeux qu'une chimère, une illusion.
L'avis d'un passionné des oeuvres de Christophe Honoré :
http://www.paperblog.fr/1066808/la-tres-belle-personne-de-christophe-honore/

Mon avis:
Ce film, diffusé vendredi 12 septembre sur ARTE avant sa sortie au cinéma mercredi 17, est une libre adaptation du roman de Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves. Le parti pris de Christophe Honoré, auteur des Chansons d'Amour (entre autres), est de transposer la cour monarchique dans la cour d'un lycée du 16ème arrondissement.
Si je ne suis pas friande du cinéma français actuel, j'ai été attirée par ce film, plus par la mise en scène que par le jeu des acteurs je dois bien l'avouer. Si beaucoup les encensent, je ne les trouve pas particulièrement formidables, j'avais peine à ressentir la passion de Junie pour Nemours, quant à celui-ci, je ne sais pas vraiment mais quelque chose me dérangeait chez lui...son regard farouche, sauvage, ses lèvres pincées,...il me faisait plus peur qu'autre chose lol XD
"Jamais Cour n'a connu tant de belles personnes"

En revanche, j'ai été emballée par la mise en scène, épurée, qui peut faire penser à Truffaut ou Rohmer (personnellement, cela m'a fait penser à Rohmer, à la mise en scène de ses Contes).
Mise en scène par ailleurs très symbolique, comme les portes de l'établissement qui s'ouvrent de l'intérieur sur la cour du lycée, théâtre des amours contrariés de toute cette Cour particulière, composée d'adolescents en quête du grand amour, en quête d'eux-mêmes.
Le côté parfois littéraire des dialogues m'a clairement fait penser aux discussions philosophiques passionnées des personnages de Rohmer, certes cela ne va pas jusque-là, mais ça m'a donné envie de me replonger dans les oeuvres rohmériennes...Allez savoir pourquoi...

Ce film ne m'aurait pas autant interpellé sans sa Bande Originale, excellente, qui colle parfaitement aux images, aux couleurs, aux acteurs, à l'époque, et fait passer une myriade d'émotions.
Le personnage de Junie m'a un peu dérangée, c'est tout ou rien avec elle, tout avec celui qu'elle n'aime pas vraiment (elle ne pleure même pas...enfin je ne dis rien ^^)...et rien avec son amour passionnel (passionnel, vraiment?). Nemours est le seul qui reste pour moi cohérent, quoique pour un coureur, il n'est pas très insistant, mais finalement il apparaît normal qu'il hésite, qu'il soit beaucoup moins sûr de lui, c'est la première fois qu'il respecte vraiment une fille, la première fois qu'il tombe amoureux après tout. Otto est le type même de l'amoureux transi un peu trop sensible, son comportement final apparaît un peu excessif (voire beaucoup) mais bon , il faut laisser ces stéréotypes dans leur "cadre"; s'il s'agit d'une libre adaptation, cela reste une adaptation. Chaque personnage va jusqu'au bout. Au bout de ses idées, de ses principes. Sauf Nemours peut-être. Irrécupérable...ou changé à jamais? Cette question reste en suspens.

La Belle Personne de Christophe Honoré (2008) avec Louis Garrel, Léa Seydoux, Grégoire Leprince-Ringuet, Chiara Mastroianni...
Interview de Christophe Honoré
Extraits:
"J’ai l’impression qu’à l’intérieur d’une classe, face au professeur, on est une somme d’individualités. Dans cette idée d’individus et de solitude, j’ai fait en sorte, dans les scènes de classe, de filmer l’intimité et la solitude de chacun. [...] Je voulais que les moments de classe soient des moments suspendus, presque comme des papillons soudain qu’on fixe. Et dès qu’on sort de la classe, être dans le mouvement, dans le groupe. Là, ce sont des plans beaucoup plus documentaires."
"J’ai toujours pensé que l’adolescence était une période bénie pour être confronté à des chocs artistiques. [...] J’ai voulu raconter une Princesse de Clèves dans un lycée aujourd’hui, en essayant de respecter le plus possible l’intrigue, ses rebondissements et ce qui anime les personnages. "
"Le début du roman, c’est du name-droping. Les trente premières pages, on est perdu, et le moment de cristallisation, c’est la rencontre entre Nemours et la Princesse de Clèves. De la même manière, je voulais que les dix premières minutes du film présentent plein de personnages. [...] Pour moi, c’était important de montrer cette vie lycéenne et à un moment de confronter Louis Garrel et Léa Seydoux dans cette scène de coup de foudre. Louis Garrel est prof d’italien et fait écouter aux élèves un extrait de Lucia de Lammermoor, chanté par la Callas. On sent que la classe n’existe plus, ils ne sont que tous les deux. Il y a de moins en moins de monde dans le film. On finit sur le couple, et même sur une seule personne, parce que le couple ne tient pas. La Princesse de Clèves est un livre sur la très haute solitude et sur le danger à être autre que seul."