Le pape Benoît XVI est partout, vous aviez remarqué, je suppose. A l’Elysée, à Notre-Dame de Paris et à Lourdes. Et puis dans le salon, la télé nous en saoule, de cette visite papale. En 1996, lorsque le pape Jean-Paul II était venu en France et même en Vendée, j’ai fait partie d’un éphémère comité joyeusement auto-baptisé « Vade retro, Papanas ! ». Grande bouffe de curés au menu, éclusage de moult litrons qui ne finiraient jamais en vin de messe, tracts à l’emporte-pièce, on cultivait le blasphème comme un sport national. On était des champions, on a bien rigolé même si le pape n’a pas fait demi-tour. Les RG du crû nous avaient à l’œil, voire à l’index. Précisément, on distribuait des auto-collants représentant ce brave Jipitou dûment calotté et affublé d’un préservatif au doigt !
Benoît Seize, comme naguère Jipitou, suscite toujours aussi étonnamment la ferveur de foules jeunes, alors même que la rigoureuse morale catholique qu’il prône peut sembler complètement décalée par rapport à la société française ou européenne. Sans doute fascine-t-il à ce point parce qu’il est le « vicaire du Christ », ce qui vous pose un bonhomme. En tout cas, quel que soit son nom, le chef de l’église catholique romaine constitue un phénomène intéressant à observer. Il a une stratégie de communication bien élaborée, selon trois niveaux : les politiques (Elysée), les intellectuels (Collège des Bernardins) et le peuple (Lourdes). Préférant le rite tridentin (en latin) au rite moderne (post Vatican II), il voudrait se concilier les « tradis » sans s’aliéner les modernistes en une dévotion à Sainte-Thèse qui soit synthèse rassembleuse, j’ai déjà vu ça quelque part…
A présent le pape est en France, c’est son droit. Il va à Lourdes, grand bien lui fasse. Je ne fais partie d’aucun comité anti-pape. Je ne crois pas aux miracles, mais tant mieux s’il ya des miraculés. Je ne suis pas en phase avec les kermesses catholico-cathodiques même si les questions de spiritualités me branchent. Je n’emprunte pas les mêmes voies que Benoît, chacun sa route. Mais que le pape et surtout son hôte Nicolas Sarkozy, notre président de la République, veuillent accommoder à leur sauce la notion de laïcité, alors là je suis prêt à reprendre du service et à crier derechef « Vade retro papanas ! ».
Car comme l’a très bien dit Badinter, puis Hollande et bien d’autres, la seule laïcité qui vaille ne saurait être positive ou négative ou autre. Elle est un principe fondamentalement républicain, garantissant la séparation des églises et de l’Etat, le respect des diverses religions entre elles au sein du pacte républicain sans préséance de l’une par rapport aux autres, la liberté de culte (ou de non culte !)pour chacun. Le seul adjectif que l’on puisse accoler au terme « laïcité » est donc « républicain », dans la mesure où la République est laïque sous peine de n’être pas vraiment une république, justement. La laïcité ne saurait être un dogme, mais c’est un garde-fou efficace contre les dérives intégristes, d’où qu’elles viennent. Donc, vigilance !