Le patriotisme économique bouge encore

Publié le 12 juillet 2007 par Geneviève Brunet

Décryptages

24 mai 2007

Le marché unique n'a pas gommé la fierté nationale de chacun des Vingt- sept. A l'heure de la constitution de "géants européens" nés de fusions d'entreprises, le drapeau est rarement oublié dans un sombre coin des salons de négociations. Et pour cause: en Allemagne, Espagne, France ou Italie le sentiment domine qu'un géant implanté "sur place" licenciera avec un peu plus d'états d'âme qu'un autre mastodonte installé "ailleurs". En sus, les entreprises et les politiciens du pays postulent qu'ils sauront mieux se faire comprendre d'un "local" que d'un "pas d'ici".

La Suisse ne fait pas exception à la règle du "mieux vaut rester entre nous". Le récent combat de Converium pour échapper à la gourmandise de Scor l'a à nouveau démontré. Sans même évoquer les débats autour de Swiss…Foin de logique industrielle ou des fameuses synergies - promesses de hausses des bénéfices futurs - quand le chevalier vient de loin. Il est d'emblée perçu comme plus noir que blanc. Tout comme Novartis avait, en son temps, été fort mal reçu à Paris dans le rôle d'avaleur d'Aventis; qui s'est finalement jeté dans les bras tricolores du petit Sanofi. Et gageons que la grande restructuration engendrée par la fusion de l'UBS et de la SBS aurait fait grincer bien plus de dents si le mariage avait été transfrontalier…

La petite différence entre un fiancé du cru et un galant venu d'ailleurs a de grandes conséquences. Une petite différence qui a sans doute précipité le mariage entre UniCredit et Capitalia pour créer la première banque de la zone euro. Un établissement fort, à même de suivre les entreprises transalpines dans leurs activités autour du globe, ça n'a pas de prix. Ou plutôt ça en a un: un montage d'échange d'actions plutôt favorable à l'acheteur. Nul ne s'en plaint en Italie. C'est l'obole à venir des actionnaires à la fierté nationale. Même si elle sera avant tout symbolique, elle est gage que le patriotisme économique bouge encore.

Pas de quoi s'insurger. Pour autant qu'il soit combiné à un calcul économique rationnel pour créer les géants de demain qui feront jeu égal avec les Américains ou les Asiatiques, ce nouveau patriotisme bon enfant ne peut que faciliter les mutations nées de la mondialisation. Ici comme ailleurs, en laissant toute sa part à l'esprit d'ouverture.