Les traductions françaises de Julie DOUCET ne sont pas très faciles à trouver sur les rayonnages des librairies ; en voici une, éditée par L'Association : Monkey and the living dead.
C'est l'une des histoires commencées par Julie dans son fanzine « Dirty Plotte ». L'histoire d'une chatte portée sur la chose à la recherche de la chose portée par un chat. J. minou ch. gros matou pour travaux de robinetterie.
L'HISTOIRE. La chatte, c'est Monkey, qui vous dit « Bonjour les amis » sur la couverture. Une bien belle plante assurément. Derrière elle vous apercevez Julie Doucet, le double de l'auteur, présent dans la plupart de ses histoires. Julie vient rendre visite à Charlotte, la mère de Monkey.
Charlotte est sur le point de mettre au monde une ribambelle de petits félins, rejetons du gros matou pervers et baveux connu sous le sobriquet de Living Dead, traduisez mort vivant. Monkey, apercevant LV qui traîne dans les parages, est très attirée par son... robinet. Sur ce Charlotte est délivrée de sa marmaille toute fraîche, qui se précipite vers le géniteur en criant « Papa ! » Le 'ros Minet au robinet, dépourvu hélas de la fibre paternelle (mais pas de sa fibre virile, si vous me suivez), prend la fuite sans conter fleurette ni cueillir ses marmots. Et Monkey lui emboîte le pas.
Ses errances mènent la candide érotomane au guichet d'une officine de robinetterie, dont le gérant gâteux ne peut satisfaire la cliente. Mais il l'envoie trouver ce qu'elle cherche dans une boîte de strip non loin de là. Monkey, cherchant maladroitement à percer les mystères de sa propre libido, est embauchée pour un numéro de strip entre filles. Se prenant les pieds dans le tapis, elle atterrit à genoux aux pieds du prox.. euh, du programmateur de cette honorable entreprise de spectacle déshabillant. Plutôt que de lui tourner le dos, le monsieur ouvre généreusement sa braguette, car il n'est pas du genre à célébrer la messe en latin. Par le plus grand des hasards, Monkey finit par trouver Living Dead dépensant son sou à boire tout son saoûl pour se mettre raide mort. Mais il se raidit encore un peu plus devant le corps offert de Monkey, et lui rend hommage... à sa façon.
En guise d'épilogue, l'auteur élimine son personnage éponyme dans un vulgaire accident de circulation.
Ce volume doit être l'un des premiers essais de Julie Doucet dans l'entreprise fictionnelle. Dessinée en plusieurs épisodes entre 1990 et 1993, puis publiée en 1994, la BD n'est traduite qu'en 1999 en France. Julie Doucet s'est surtout fait un nom grâce à son New York Diary, mais cette BD vaut elle aussi le détour. Le dessin y est très talentueux, les personnages et les ambiances sont posés de façon assez affirmée. Esthétiquement, Julie Doucet compose les pages en noir et blanc : classique (cases) mais pas sobre. Le débordement de détails et le traitement très cru du thème sexuel imposent un style parfaitement reconnaissable.
Ni Joe Matt ni Robert Crumb, Julie Doucet est avant tout une auteure, une artiste, une femme qui décortique le désir féminin et montre ici la bestialité qu'il contient. Le désir féminin est moins caricatural que celui des hommes, toujours prompts à assouvir leur envie sans délai ni conséquence. Son désir sexuel, mêlé de naïveté, renvoie l'héroïne de cette histoire vers celles qui sont exploitées pour leur corps. Monkey est entourée de sa mère (et poursuit son amant) et de ses "collègues" : elle est condamnée à devenir maman ou putain.
Pour en revenir à des considérations plus basiques, j'aime le dessin, j'apprécie la franchise très crue avec laquelle le thème sexuel s'affirme ici. Et surtout, surtout, je veux continuer à lire les BD de Julie Doucet pour découvrir ce qu'elle compte faire de son double imaginaire. J'espère que ça vous tente aussi ?
32 pages, coll. Mimolette - 6 €