Le chantoiseau.
Connu dès l’antiquité (Carcinos le Jeune en fait mention dans un texte aujourd’hui disparu), il était composé d’un étagement de petits tubes, céramique ou verre, de différents diamètres. La gamme des sons produits allait du médium au suraigu. Un souffle très léger étant suffisant pour le faire chanter, il était très utilisé lors des tragédies où l’on parlait bas. Cependant, lorsque le vent forcissait, il arrivait que le sens de la pièce en fut modifié; on parlait alors de chantoisement directif. A la fin du XIXème siècle, quelques scientifiques parvinrent à l’électrifier (cf photo) afin d’amplifier ses sons naturellement trop ténus. Ce fut un échec, car les fils électriques produisaient eux-mêmes des sons parasites qui agaçaient un public devenu formellement exigeant. Vers le milieu du XXème siècle, il vit un bref regain d’intéret au travers de pièces intimistes hélas trop peu connues; notons en sus qu’il n’en reste aucune trace, les compositeurs ayant eux-mêmes détruit leurs partitions au cours de happenings discrets. Le chantoisement aléatoire avait néanmoins fait long feu.
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L’infrabasson.
Développé sur une idée de Jules Verne, il avait pour but de produire un réel ébranlement lors des symphonies édifiantes. Il était alimenté par de puissantes chaudières à charbon souterraines. L’effet était prodigieux mais nécessitait une mise en oeuvre rigoureuse. Les ordres du chef étaient dirigés - via un lieutenant dont la qualité première devait être l’anticipation - vers une cave profonde d’où l’infrabassiste actionnait promptement les manettes, afin que la vapeur d’eau sous pression vienne faire vibrer une anche double en acier épais mais souple. Dès l’instant, le sol tout entier tremblait de façon terrifiante, versant la sensibilité des spectateurs dans un effroi incomparable. Hélas les coûts d’exploitation s’avérèrent excessifs, un seul instrument construit, une unique symphonie exécutée (dans l’enceinte de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort). Quelques chefs d’Etats personnellement fortunés eurent bien vent de cette idée géniale, pressentant l’immense gloire dont ils pourraient tirer profit auprès des foules admiratives lors de l’exécution des hymnes nationaux (ou des exécutions tout court). Ils intriguèrent - de concert - et l’inventeur, rongé par le remords, se suicida un jour de grand vent en se précipitant dans le gigantesque fourneau, encore brûlant. On pense qu’il avait les plans sur lui.
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Le montgolfion.
Voici - pour clore le chapitre - l’un des plus délicats, des plus malicieux instruments de musique que l’esprit humain ait conçu. Malheureusement l’Histoire a coupé court et ce prometteur engin est définitivement tombé en désuétude. Fait de papier pour l’essentiel, cousu de fils blancs comme son filet protecteur, toute son ingéniosité consistait en la répartition conflictuelle d’airs, de températures donc de densités adverses qui, au gré du réchauffement progressif du plan d’eau sur lequel il évoluait et grâce à une soupape sommitale d’une simplicité enfantine (une vulve en vessie de porc), proposait au fil de la journée et en fonction de l’ensoleillement, des sons extraordinairement mélodieux, changeants et infinis. Un seul bassin pouvait accueillir six, huit ou douze de ces montgolfions (on utilisa rapidement le diminutif “golfion”), ce qui laisse rêveur quant aux possibilités mélodiques dans un vaste jardin. Ce n’était paraît-il qu’”enchantement perpétuel”. L’illustration montre un exemplaire unique, seul survivant, conservé au parc de la roseraie de l’Haÿ-les-roses.
à suivre…