"La guérilla est l'avant-garde combattante du peuple (...), [elle] est appuyée par la lutte de masse des paysans et des ouvriers de la zone et de tout le territoire où elle se trouve. Sans ces conditions, on ne peut admettre la guerre de guérilla."
E. Che Guevara in La guerre de guérilla : une méthode (1963).
Oui il est permis de lire le manhwa Metal Brain 109. Il est même possible de s'acheter la série complète (en 3 tomes bien épais) pour la somme totale de 6€. Maintenant que l'argument financier est balancé, avançons-nous vers le contenu.
Le petit Gun vivait heureux avec son super-flic de père et sa belle femme au foyer de mère jusqu'au jour où cette dernière se prend une balle perdue lors d'un affrontement entre forces de l'ordre et "cyborgs" rebelles... Fou de douleur et soucieux de préserver l'équilibre de son rejeton, le père fait recréer sa défunte épouse sous la forme d'un cyborg haut de gamme. Kim Jun Bum peut dès lors exploiter ce canevas dans deux directions assez classiques.
D'une part la question de la prise de conscience des machines, de leur accès aux émotions et le problème de la reconnaissance de leurs droits.
D'autre part la description d'une organisation sociale fondée sur l'oppression.
Ces deux aspects étant liés par une mécanique implacable parfaitement tragique accentuée par un hymne à l'amour filial.
Lecture résolument adolescente, Metal Brain 109 (on peut se demander pourquoi "109" d'ailleurs, nulle mention n'étant faite de ce numéro au long des 700 pages) peut être perçu comme une introduction ludique aux univers d'Isaac Asimov et de Philip K. Dick, références incontournables et ici incontournées, ainsi qu'une tentative d'illustrer ce que donneraient les tactiques de guérilla dans un univers urbain et futuriste, la population des cyborgs se substituant à la classe ouvrière et le "Metal brain" (le front de libération des cyborgs) tenant lieu de "noyau combattant". C'est d'ailleurs dans cette veine d'exaltation de la résistance, dans l'hymne désespéré à la liberté, que Kim Jun Bum livre ses meilleures pages. Ainsi le tome 3 présente un trépidant crescendo vers l'inéluctable. Les cyborgs sont assiégés par les forces répressives... Un agent tueur a été infiltré parmi les rebelles pour en assassiner le leader charismatique. Des ex-amants séparés par la barrière de classe sont sur le point de se retrouver... pour un final très Duel au soleil. Comparé aux séquences d'action confuses du premier tome, le troisième témoigne d'une bonne progression de l'auteur (le travail, il n'y a que ça !). Dommage qu'il s'auto-sabote trop souvent par un humour à la con désarmorçant à l'excès les situations les plus noblement dramatiques. Je sais que c'est un procédé typiquement extrême-oriental, mais là, ça ne fonctionne pas.
Car ce qui est exaltant dans cette histoire c'est le sérieux du parcours de son héroïne qui l'élève au rang de métaphore exemplaire. D'épouse-mère aimée, elle est reléguée au statut d'esclave et de femme battue. D'abord résignée devant l'injustice et croulant sous les mésaventures, elle finira par s'ébrouer et renaître en pasionaria. Si un chant funèbre embrase les derniers chapitres, la série ne se clôt pas sur le renoncement moraliste que l'on aurait pu redouter.Une fois refermé l'ultime livre une question demeure : l'enfant Gun (que l'on suppose avoir autour de 10 ans) s'endormait-il déjà en palpant les seins de sa mère quand elle n'était pas encore cybernétique ?