Le 12 septembre 1940, près du village de Montignac, dans le Périgord noir, un chien se faufile dans une crevasse, au-dessus de la Vézère. Il est poursuivi par quatre adolescents, qui découvrent ainsi la grotte de Lascaux. Ils en parlent à leur instituteur, lequel alerte l’abbé Henri Breuil, un grand spécialiste de la préhistoire.
Le site est classé « Monument historique » dès 1940 et fera partie en 1978 de la liste du Patrimoine mondial établie de l'UNESCO.
On sait que le site fut rapidement en danger, suite à la présence des visiteurs (gaz carbonique). En 1963, le ministre des Affaires culturelles André Malraux décide de le fermer, ce qui entraîna la construction d’une copie (Lascaux II) ouverte en 1983.
Ce que j’ignorais, c’est que le site initial est toujours en danger et que ces dernières années de nouveaux champignons ont proliféré. Leur apparition est due à un déséquilibre au niveau de l'aération et à la multiplication des différents traitements utilisés. C’est ainsi que des moisissures (taches noires) sont venues dégrader les peintures et que l'UNESCO envisage de déclarer le site «chef-d'œuvre en péril».
Qualifiée de «Sixtine de la préhistoire», la grotte de Lascaux comporte différentes «salles» qui s'étirent sur 250 mètres de galeries et un dénivelé de 30 mètres. En tout, ce sont plus de mille figures que nos ancêtres nous ont léguées.
Reste à savoir quel but ceux-ci ont poursuivi en réalisant ces peintures. La théorie de «l'art pour l'art» semble peu probable, même si elle s’accorde bien avec notre mentalité contemporaine. S’agit-il d’un rituel lié à la chasse ? Peut-être. Le reflet de pratiques chamanistes ? Sans doute. Il suffit de relire les « Mythologiques « de Lévy-Strauss pour se rendre compte à quel point les peuples primitifs étaient fascinés par les animaux, dont ils se sentaient proches, finalement et dont ils essayaient de récupérer la force à leur profit. Le chamanisme, par des incantations, des gestes déterminés et des paroles rituelles répétées des centaines de fois, conduit l’individu (le « prêtre ») à un état second, lui permettant de rentrer en contact avec les « esprits ». L’usage de drogues est également fréquent et les images entrevues en rêve au cours de ces hallucinations pourraient bien être à l’origine des scènes reproduites sur les parois de Lascaux.
Que représentent, finalement, les animaux de la grotte ? Une sorte de pensée symbolique ? Dans ce cas la représentation animalière serait le moyen trouvé pour incarner la divinité ou en tout cas une approche du sacré qui ne laisse pas indifférent. Cela suppose chez nos ancêtres une réflexion sur leur destinée et sur la mort. Il y a 12.000 ans, l’être humain se demandait donc déjà ce qu’il pouvait bien faire sur cette terre et il tentait d’élargir sa sphère d’action (forcément fort limitée) grâce à la pensée magique, laquelle lui ouvrait un monde étrange et fantastique, un monde de rêves et de cauchemars, un monde d’après la mort ou d’avant la vie, comme on veut.
On peut voir dans une telle démarche (propre à tous les peuples primitifs à un certain moment de leur développement, rappelons-le) l’origine de toutes les religions. Certains y verront la preuve de la véracité de ces dernières, s’appuyant sur le fait que dès ses origines l’homme fut un animal religieux. D’autres au contraire diront que les religions proviennent d’un besoin inhérent à l’homme, un besoin de savoir et de se rassurer. Le fait que nos ancêtres aient développé ce comportement chamanique prouve simplement que celui-ci répondait à un besoin et donc que les religions actuelles, si elles sont plus élaborées, ne sont que l’aboutissement de ce comportement irrationnel. Chacun choisira la thèse qui lui convient.
Les représentations de Lascaux pourraient être aussi liées au mythe de la fécondité ou à d’autres mythes dont nous ne saurons jamais rien, ces populations ne disposant pas de l’écrit et ayant disparu à jamais.
Manifestement, une part de la fascination que nous éprouvons pour Lascaux provient de ce mystère qui l’entoure. Comme les temples antiques nous attirent en partie parce qu’ils sont en ruine (ce qui nous permet d’imaginer les monuments complets et de réfléchir à l’aspect éphémère des cultures qui nous ont devancés, extrapolant du même coup sur le sort de notre propre destinée), ces sites préhistoriques nous fascinent parce qu’ils soulèvent finalement plus de questions qu’ils ne donnent de réponses.
Evidemment, nous nous plaisons à imaginer que c’est dans ces grottes que l’art a pris naissance. Car par delà toutes les approches sacrées ou chamaniques, il n’en reste pas moins vrai que le fait de parvenir à représenter des animaux relève déjà d’une démarche artistique et que cela suppose la maîtrise d’une certaine technique. Bien plus, les scènes représentées prouvent que ces hommes qui nous ont devancés étaient capables d’imagination et que cette imagination répondait à une recherche d’idéal et d'harmonie.
Et puis il y a autre chose qui joue encore dans notre fascination pour ces hommes qui représentent l’enfance de l’humanité. A travers eux, nous désirons comprendre les origines de notre espèce sur le plan culturel, mais aussi finalement notre propre origine. Remonter ainsi l’histoire, n’est-ce pas remonter à sa propre enfance ? Et la grotte, ce lieu clos qui enferme tous les mystères, ne renvoie-t-elle pas à la perfection du ventre de la femme enceinte, cet utérus où chacun de nous, qu’il le veuille ou non, s’ouvrit à la conscience ? Tenter de percer les mystères de Lascaux, c’est tenter de découvrir le secret de la grotte et c’est donc essayer de comprendre le mystère de notre propre création.