Quand tu vois Alpha Blondy qui adoube l’élection de Gbagbo, ça te fait quoi ?
“La situation est assez sensible en Côte d’ivoire. Les élections arrivent et c’est très important parce que ce sont les premières élections libres et transparentes. Depuis 1960, tous ceux qui ont été au pouvoir se sont donnés les moyens d’éliminer leurs adversaires potentiels. C’est la première fois qu’on donne la possibilité aux gens de s’exprimer. Et nous, en tant que leaders d’opinion, nous nous devons de rester impartiaux. Je voterai pour le candidat qui me semblera le plus respectueux envers le peuple, qui va donner un programme qui ira dans le sens des besoins du peuple. Maintenant, Tiken Jah n’a pas le droit de se rapprocher d’un candidat. Alpha Blondy, malheureusement, s’est rapproché aujourd’hui du président actuel de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Il a dit qu’il allait voter pour lui, mais bon, ça n’engage que lui.
Tu penses que ton personnage protestataire joue sur ta popularité?
Je joue du reggae. J’essaye d’être la voix des sans voix (…) Le reggae a un rôle important, comme il l’a joué en Jamaïque avec Marley, Tosh ou Burning Spear. Si ces trois-là avaient fait de la musique alimentaire, le reggae n’aurait pas fait le tour du monde. Ce sont des gens qui ont gardé leur dignité, qui ont utilisé cette musique qui est noble. Maintenant, je ne suis pas là pour juger Alpha Blondy. Chacun d’entre nous sera jugé pour ses actes sur cette terre. Mais nous n’avons pas le droit d’utiliser la musique des sans voix pour chanter pour des riches comme Houphouët-Boigny, pas le droit d’utiliser le rôle que le peuple nous a donné en achetant nos albums et en allant à nos concerts, de suivre les hommes politiques, alors qu’ils s’attaquent à notre peuple.
Tu es aussi persona non grata au Sénégal.
Je suis un citoyen africain, je suis un panafricaniste, je pense que l’avenir de l’Afrique est dans l’unité, donc je me sentais chez moi au Sénégal. Quand je suis arrivé, il y avait une polémique sur la succession du chef de l’Etat par rapport à son fils. J’ai donc dit que le Sénégal n’était pas un royaume et qu’il n’était donc pas envisageable que quelqu’un puisse se faire succéder par son fils. Ca a choqué certainement le gouvernement, donc j’ai été officiellement interdit d’entrée et de sortie au Sénégal, bien qu’ils aient attendu de me laisser partir. En fait, j’ai raté mon avion le matin et je suis parti à 18h, alors que la décision a été annoncée au journal vers midi (rires). Enfin, je pense que c’est le prix à payer. J’ai été interdit cinq ans de mon propre pays et si je dois être interdit d’un autre pays parce que mes idées sont différentes des dirigeants, je dis tant mieux.