Doux comme un rêve, beau et complexe comme l'amour
Strasbourg, la nuit dans une chambre d’hôtel. Le bruit et les quelques éblouissements de voitures qui passent dans la rue. Sur une table , un papier ou dessous de verre récupéré dans un bar s’appelant « Les aviateurs ». Trois nuits, trois jours, c’est le temps durant lequel nous allons suivre un jeune homme romantique (Xavier Lafitte, vu dans la série La vie devant nous, que l'on retrouve enfin) à la recherche d’une fille qu’il a croisé dans la ville il y a six ans. Assis à une terrasse de café , il dessine, il écoute, il observe, il rêve. Puis, bien sûr, il la cherche, il l’espère. Sylvie, c’est son nom. Et soudain, il croit l’avoir enfin retrouvé. Une belle brune (Pilar Lopez de Ayala). Il la suit. Commence une filature, un jeu du chat et de la souris dans les ruelles étroites et animées. Dans la ville de son amour perdu, attendu, espéré, va-t-il se retrouver ?
Dans la ville de Sylvia fait partie de ces œuvres complètement sensorielles dans lesquelles on s’abandonne en espérant que la lumière de la salle de cinéma ne ressurgira jamais. Avec un travail stupéfiant sur le son, le réalisateur nous plonge en plein trip, dans une réalité pleine de suspense et qui se rapproche de plus en plus d’une douce rêverie. Le bruit des gens installés à la terrasse d’un café, des bribes de conversations, des échos, la musique du vent, des chaussures qui affrontent le sol. Et puis il y a aussi tous ces visages, toutes ces femmes. Le héros romantique de Jose Luis Guerin les dévisage, les admire, les dessine. Chacune d’elle a sans doute quelque chose de Sylvie, cette image, cette femme si fantasmée qu’on la croirait pas réelle. Touché par la grâce, ce long-métrage se révèle aussi poétique que ludique et se permet de véritables audaces et libertés. Filmer pendant un quart d’heure une terrasse de café en rendant cela passionnant, fascinant et fiévreux : c’est l’exploit accompli par cet espagnol qui témoigne d’une souplesse et d’une virtuosité dans sa réalisation assez incroyables. Jamais la ville de Strasbourg n'est apparue si belle et énigmatique.
Dans la ville de Sylvia , on se perd, on spécule, on se laisse aller, on s’immisce. Nous marchons réellement aux côtés du personnage principal, sommes complices de ses errements et de sa quête de la femme absolue. Sur le papier, le scénario doit laisser perplexe. C’est basique, pas forcément original. Mais transposé à l’écran, chaque séquence est une claque, chaque chose est magnifiée, chaque sensation partagée. Peu importe l’issue de ce petit jeu de l’amour et du hasard tant la beauté hypnotique de la balade nous envahit et nous transporte. D’une rue à l’autre, de bar en bar, le voyage émotionnel et intérieur de ce jeune homme est aussi planant que sensuel. On croit rêver.