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Sarkozy vu de Beyrouth

Publié le 11 septembre 2008 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa
Courrier International hebdo n° 932 - 11 sept. 2008
France
DIPLOMATIE • Lorsque l’arrogance le dispute à la morgue
Expédier les Syriens en trois heures chrono ! Le quotidien beyrouthin ne décolère pas devant tant de “fatuité” française… et présidentielle.

Doit-on à la légendaire arrogance française le fait que Nicolas Sarkozy ait atterri, le 4 septembre dernier, à Damas à 5 h 30 de l’après-midi, au quatrième jour du ramadan ? Il s’est immédiatement rendu au palais présidentiel, où il a rencontré Bachar El-Assad de 6 h 30 à 7 h 30, en pleine rupture du jeûne. Puis il a enchaîné avec une conférence de presse commune jusqu’à 8 h 15, l’heure de la prière du soir. Et, pour finir, le dîner qui a suivi dans un restaurant de la vieille ville correspondait à un horaire français, et non à ce qu’il convient de faire pendant le ramadan.
Doit-on aussi à la légendaire arrogance française le fait que le président français ait manifesté aussi ostensiblement son déplaisir de se trouver dans la capitale syrienne ? Il a tout fait pour suggérer qu’il n’était pas là par amitié mais par devoir et qu’il ne se sentait pas tenu de sourire ou de multiplier ces gestes chaleureux que les Français savent pourtant si bien faire lorsqu’ils le veulent. Il ne s’est évidemment pas fait accompagner par sa ravissante épouse, Carla Bruni, mais il l’a appelée fébrilement aussitôt après la conférence de presse.
Doit-on aux légendaires fanfaronnades françaises l’air râleur qu’affichait en permanence Nicolas Sarkozy ? Il a expédié ses entretiens et le sommet en à peine deux heures, insistant davantage sur les points de divergence que sur les points d’accord avec les Syriens et présentant des exigences et des conditions plutôt que des propositions pour surmonter la crise des relations bilatérales. Ainsi, les contrats commerciaux dont on avait dit qu’ils constituaient l’un des principaux buts de ce voyage se sont révélés de simples extensions de contrats existants qui ne mettront nullement en cause les sanctions économiques américaines [imposées depuis décembre 2003].
Doit-on à la morgue française le fait que Nicolas Sarkozy ait suggéré plus d’une fois que Damas fasse encore ses preuves et affirmé que ce voyage récompensait la bonne conduite syrienne ? Une récompense, s’est-il empressé d’ajouter, soumise à conditions et octroyée souverainement, sans l’accord des Américains. Les bonnes manières qu’il a faites au président syrien, à l’émir du Qatar et au Premier ministre turc en organisant un sommet quadripartite lui ont causé beaucoup d’embarras, au point qu’il s’est senti obligé, à deux reprises et sans raison apparente, de redire son amitié pour le président égyptien et pour le roi d’Arabie Saoudite.
Enfin, doit-on à la fatuité française cet air contrit qu’affichait Nicolas Sarkozy, comme s’il voulait s’excuser d’avoir fait le voyage de Damas ou comme s’il voulait en diminuer l’importance ? Toujours est-il que, dans de nombreuses capitales, le message a été compris haut et fort.
Sateh Noureddine
As-Safir

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