Ce soir, dans le vieux Lyon (ils ont choisi, sans me le dire, l’un de ces restaurants chics qui figure sur les guides et font la mode), je retrouve L., ou bien P., ou bien R., ou bien M. ou N., lesquels m’accueillent si gentiment en se levant de leur siège, aussitôt, dès qu’ils m’aperçoivent sur le seuil. Et parlent longtemps, avec tant et tant de chaleur dans la voix. Semblent sincèrement, tous, tellement heureux de me revoir. Me questionnent sur les conditions de mon voyage, de mon hébergement là bas, flattent ma mine épanouie, se réjouissent que nous ayons pu trouver un moment pour discourir de tout sauf des affaires, des embrouilles, des parts de marché, du rapport d’expertise que je dois leur fournir, et des négociations en cours, ici ou là. Et c’est alors qu’à la table voisine de la nôtre, une jeune femme aux yeux de velours murmure des folies, des friandises de l’esprit, un monde de sottises sans doute, à l’oreille distraite de son compagnon qui n’entend rien, ou si peu, de ce que j’entends (je me trompe ?). Et c’est alors que son épaule droite, à demi dénudée, révèle l’ombre d’un tatouage (un petit serpent enroulé sur lui-même). Et c’est alors que je suis comme les mots qu’elle prononce, comme le vent qui souffle en bourrasque, quelque part, plus loin. Je me rêve, tenez-vous bien, enroulé sur moi-même !