L'audition de Bernard Tapie par la Commission des finances fut un véritable spectacle. Elle nous a montré un Bernard Tapie au mieux de sa forme, connaissant sur le bout des doigts son dossier, face à des députés souvent incisifs, revenant sur leurs questions lorsqu'il "oubliait" d'y répondre.
Le dossier est manifestement très complexe et on se perdait facilement dans les longues réponses de Tapie dont toute l'argumentation peut être rapidement résumée en ces quelques propositions :
- son groupe n'a jamais été en difficultés financières. Il n'a vendu ses actions que parce qu'il voulait devenir ministre ;
- le Crédit Lyonnais l'a roulé dans la farine, il ne s'en est rendu compte que trop tard ;
- il n'a demandé et accepté un arbitrage que parce que la procédure judiciaire menaçait de durer de longues années, alors qu'il a déjà 65 ans ;
- le CDR avait, lui aussi, intérêt à l'arbitrage qui limitait, notamment, les risques que présentait la procédure judiciaire qui menaçait, en cas d'échec, de coûter beaucoup plus cher à l'Etat. Il n'y a donc pas eu d'intervention politique.
Argumentation qui invite à de nouvelles questions :
- comment Bernard Tapie a-t-il redressé en quelques mois une entreprise (Adidas) qui perdait tant d'argent en une entreprise florissante?
- quel entrepreneur de bon sens abandonnerait une entreprise florissante pour devenir ministre?
- n'y avait-il pas d'autre solution que la vente des action de Bernard Tapie Finance et d'Adidas pour concilier ambitions politiques et protection du patrimoine professionnel?
Le seul point vraiment convaincant de toute son argumentation était le développement sur son âge.
Mais le plus frappant dans cette audition, ce fut certainement le talent de débatteur Tapie qui tout au long de cette très longue séance a mêlé tout à la fois :
- diversions, en entraînant les députés dans les méandres techniques du dossier, en leur présentant des pièces nouvelles qu'ils ne pouvaient pas lire, diversions qui lui permettaient de ne pas répondre aux questions les plus précises et surtout de ne pas traiter le sujet de l'audition : l'organisation de l'arbitrage ;
- intimidation par le geste, la parole et, surtout, l'expression familière, virile, brutale, ne respectant ni la syntaxe ni le langage policé. Tapie n'a pas hésité à évoquer "sa femme chialant dans les chiottes", la supposée connerie de Dreyfus…
- santé de fer face à des députés aux visages marqués par la fatigue comme par autant de coups de poing. On sentait qu'il voulait et pouvait les avoir à l'usure.