Dans cet espace abstrait de la piscine qui évoque un cube amniotique et vorace, Tourneur s'attache à ne filmer que des plans vides, des reflets, de purs contrastes noirs et blancs qui n'ont même plus besoin d'être supportés par un quelconque motif. La peur vient aussi de là... Hypothèse. Si la séquence paraît toujours aussi efficace et moderne, c'est aussi peut-être grâce à son cachet "art contemporain avant la lettre".
Et justement :
Heavy water (James Turrell 1991)
Cette installation semble jouer sur les mêmes sensations. Pour voir l'oeuvre, le spectateur est obligé d'enfiler son maillot de bain, de plonger puis de rejoindre le centre de la piscine. Là en passant sous les parois, il se retrouvera au fond d'un puits lumineux, sous une douche irradiante de lumière avec vue directe sur le ciel. Tout le travail de James Turrell vise ainsi à donner une matière à une pure présence lumineuse (le bleu du ciel comme des ambiances définies au néon) en révélant aussi les effets de profondeur, d'espace que la lumière et la couleur brute parviennent à créer d'elles-mêmes. Pas évident à retranscrire en vidéo, mais ça par exemple sinon au hasard...Mais revenons à Heavy water. Une fois dans la piscine, le spectateur perd ses repères habituels pour ne plus ressentir que la présence de la lumière brute (ressentie avec d'autant plus d'acuité que les yeux sont pleins de chlore).
Même si l'effet recherché vise davantage la sérénité que la peur, le spectateur ressent un flottement sensoriel sans doute assez voisin de celle de l'héroïne de Tourneur traqué par des sensations dont elle n'identifie pas l'origine. On imagine l'effet que doit procurer une telle oeuvre: celle de plonger au coeur d'un chaudron coloré qui, par sa puissance même, oblitère les autres sens.
Et justement :
Thermes de Vals (Peter Zumthor architecte 1996)
Ces bains de pierre, d'eau, de lumière et de couleur paraissent radicaliser la proposition de Turrell. Ici, l'eau n'est pas seulement ce qui remplit les bassins, mais une véritable matière retravaillée par la lumière, la couleur et les textures des parois: non seulement un véritable onguent coloré mais aussi une sève lumineuse. Des sensations sans doute proches de la vie intra-utérine, un espace cosmique et matriciel, un lieu dont on a sans doute du mal à sortir.
Et justement :
Une fois qu'on a fait le grand saut dans la piscine de Deep End (Jerzy Skolimowski 1971), on a vraiment du mal à en sortir... ou alors sur le mode tragique.
D'ailleurs, si ce film était la version prémonitoire et ô combien plus subtile et ludique de ce clip des années 80 ?