Durant mes premières semaines d’entrepreneur, je me suis souvent fait l’effet d’être le prophète d’une religion nouvelle. Ma mission (divine?) était simple : rallier des apôtres pour propager la foi nouvelle et… grossir le denier du culte. Ma profession de foi? L’elevator pitch. Le Saint Livre? Mon business plan.
Bien entendu, la Bonne Parole a d’autant plus de chances de se répandre si celle-ci est simple, forte et universelle. De même, que le prophète l’entrepreneur jouisse d’une bonne réputation et qu’il soit enthousiaste, combatif, charismatique et opiniâtre, c’est ce qui ne saurait le desservir. Est-ce tout?
“Donne-moi des raisons d’y croire!”
C’est ce que me dit un ami, Thomas Christian, aujourd’hui associé, à la lecture de la première mouture de mon business plan. Il désirait investir, mais je ne l’avais pas convaincu.
Cette phrase est intéressante parce qu’elle est paradoxale. Si la raison conduisait à la foi, la foi serait vidée de son sens. Entre la raison et la foi, il y a un fossé. L’enjeu pour l’entrepreneur est donc de réduire autant que possible l’amplitude de ce fossé. Comment?
J’ai communiqué mon business plan à plusieurs personnes de métiers différents. Elles ont passé rapidement sur la plupart des chapitres mais ont fait des remarques pénétrantes sur leur domaine d’expertise. Cet ami est un financier haut placé chez AREVA. Il a porté une attention particulière aux prévisions financières, et la jugea (avec raison) faible. Dès lors, le saut était périlleux à ses yeux.
Ce qui est intéressant, c’est que mon business plan pouvait bien contenir d’autres lacunes, en e-marketing par exemple, cela n’aurait guère modifié son jugement. Les fossés sont d’abord les fossés que l’on perçoit.
Quant à ses qualités personnelles : enthousiasme, charisme…, il ne doit surtout pas se laisser griser par elles mais observer leur effet sur son interlocuteur. En un mot, un brin de machiavélisme ne nuit pas et de la psychologie non plus.