Je bascule mollement sur le flanc, j'enlace tendrement Katia puis lui laisse l'empreinte d'un doux baiser et quelques traces de salive, avant de me laisser tomber du lit. Katia, 1m 60 d'amour et de polyester anti acariens, et lavable en machine, mon traversin. Alors que je mâchonne mon humeur matinale comme un vieux chewing gum goût "poney des sous bois", je hisse mon corps flasque sue ses pieds fébriles avec la grâce et l'aisance d'un flamand rose bourré à la bière ( et dieu sait que les flamands aiment la bière...). Je secoue vigoureusement ma tête et les neurones qui finissent par suivre le mouvement façon maracasses. Je finis un café noir pétrole sous la douche, tout en effectuant l'indispensable inventaire du parfait nécessaire du pédagogue soucieux de faire bonne figure:
- un stylo pour signer toute décharge de responsabilité qui se présentera, et finir mes corrections dans le métro
- de la monnaie pour la dealeuse de bonheur en poudre,la machine à café
- un pinceau ou deux, des gros feutres, une demi douzaine de crayons de couleurs... il y en a un peu plus je vous le met quand même? oh bah oui, de toute manière c'est pas pour les utiliser, c'est juste pour les mettre en évidence dans mon sac pour que mes élèves se souviennent de quoi je suis prof!
- une bombe lacrimo et une barre à mine pour les tenir à distance le temps que je fasse l'appel
- une brochure de théâtre pour impressionner les collègues
- deux valium ça sert de monnaie d'échange en salle des profs contre des photocopies, et quelques suppositoires à l'euchalyptus pour l'haleine
- mon estime de soi. ah merde y a plus la place même si je tasse bien avec le pied... c'est pas grave, de toute façon c'est comme les clefs des salles, les craies blanches, et la face, je finis toujours par les perdre!
J'enfile Bernard, mon jeans fétiche et enfin je prends le chemin de l'école mon sac et ma destinée en main.... Le printemps aussi fidèle et incontournable que l'avis d'imposition sur les revenues en cette saison me dévisageait de son soleil narquois, et m'agressait l'épiderme et l'entendement, tel une fourmis sous la loupe d'un gros gamin rouquin puant la sueur et le pur sadisme, qui a décidé de vérifié si la fourmi croonde thermostat 7. Je trouve refuge dans le métropolitain, où l'odeur de sueur semble m'avoir suivie. Je visse mes écouteurs bien profondément dans mes oreilles, espérant échapper ainsi aux tumultes sonores et autres pollutions conversatoires et discutationnelles, et je me laisse glisser dans un état semi comateux où entre deux paupières fébriles et sableuses j'entrevois le nom des stations qui défilent, me concentrant essentiellement sur ma déglutition afin de ne pas baver sur Bernard. Le trajet touche presque à sa fin alors que moi je ne parviens pas aux miennes avec ma pulpeuse voisine.
A l'heure où s'éveille la nature, ma conscience pédagogique, et l'instinct de survie de ma voisine, alors que voltige l'hirondelle et que vomit le flamand rose, l'homo-pédagogicus ne craint qu'un unique prédateur sur le chemin de sa tanière, l' " élèvosaure léchecus". Alors que le "branleurorus" grosse bête herbivore (surtout en cone !) bien qu'il vous ai vu dans le tramway , à l'instar d'un père doué d'une semence particulièrement fertile et d'humeur vagabonde, prend grand soin de ne pas vous reconnaître, le "léchecus" lui fond sur vous tel une fourmi thermostat 9. Il titube entre les usagers du tramway, esquivant les pièges sur son parcours comme les vieux et tout autre déchet glissant, elle est bientôt à votre hauteur (car c'est une femelle... les plus dangereuses) et l'exiguïté de votre amplitude de mouvement ne vous permet pas de dégainer votre bombe lacrimo. Elle est là, l'oeil pétillant de cette saleté bassement humaine et qui partout foisonne, à qui on doit les pires infamies..... les bonnes intentions! le cri d'abordage vous laisse sans espoir d'anonymat, elle s'écrit "oh ! Môôôôôsieur!". Elle se lance alors dans le récit palpitant de vacances mornes ponctuées de sortie culturelles ( bienvenu chez les ch'tis" et la gallerie marchande du auchan) et de gastronomie fine ( le macdo, "pas le quick paceque y font pas le sunday banane-artichaud coulis d'anchois avec des éclats de pépito, alors vous comprenez?" "bah oui!" que je lui dis "tu penses bien", " ah bah ma bonne dame!" surtout des phrases courtes sinon il va falloir que je lui explique...). et enfin le coup de grâce "enfin j'ai fait la fête, j'ai profité des vacances quoi.... un peu comme vous quand vous étiez jeune j'imagine!"
Alors que le vigile de la ratp me maintenait au sol, tentant de me faire lâcher une poignée de fausses mèches blondes et la lycéenne qui se trouvait au bout, en approchant de mes testicules un genoux menaçant, je me disais en mon fort intérieur: "faudrait pas que je rate mon arrêt avec tout ça...."