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MORPHINE / Yes (RYKO)

Publié le 10 septembre 2008 par Blicero Howl
SOUND/ Alors voilà mes poulets, vous savez, la première fois que j'ai entendu la voix désabusée de Mark Sandman c'était dans la voiture de Belane, il était 3 ou 4 heures du mat & on a dû passer à 130km/h devant l'hippodrome de Saint Loup (ce qui est rigoureusement déconseillé) alors que les baffles laissaient filtrer le saxo & cette petite litanie: "Yes, yes, yes... yes, yes... yes...". Avec les années c'est un truc qui m'est resté comme un impératif inconscient: Yes est un album qui s'écoute en voiture, la nuit ou alors défoncé dans son salon alors que les orages ont encore mis le grappin sur la fantastique cité.
Sur une seule chanson on ne s'en rend pas vraiment compte mais à l'écoute de l'album dans sa totalité on est surpris par la composition singulière de ce groupe, il faut bien le dire, atypique. Une basse très blues (Sandman faisait partie d'un groupe de blues, Treat Her Right), un saxo très jazzy, mais du côté obscur de la force & une batterie qui fait la navette entre les deux. En fait, Billy Conway, que Sandman a ramené de Treat Her Right, fait des va & vient incessants entre le blues & cette batterie soft pareille à celle d'un commando jazz façon Heldert Williams. La structure & le fonctionnement assimilés on envoie la sauce & force est de reconnaître qu'elle prend foutrement bien. Le saxo de Dana Colley démarre quasiment toutes les chansons un peu comme ce foutu harmonica du Dylan de la première période &PAF! la voix de Sandman coule comme du miel à mes oreilles.
Les proches du groupe ont toujours affirmé, sans qu'on puisse vraiment vérifier quoique ce soit (les notes de pochettes, même celle du best of, sont aussi fades qu'une hostie), que les textes de Sandman étaient très très autobiographiques. A l'aune de cette information Yes apparaît comme une histoire d'amour qui finit assez mal. Les premières chansons, qui sont d'ailleurs les plus mélodiques, racontent cet amour fantastique matiné de sensualité & de sueurs puis arrive le titre éponyme Yes & l'on sent l'équilibre vaciller pour tomber du mauvais côté deux chansons plus tard. C'est le mémorable Super Sex & cette formidable ritournelle: "Taxi, taxi... Hotel! Hotel!... I got the whisky baby... I got the cigarette...". Le son se liquéfie comme une belle injection de sexe extra conjugal, d'ailleurs Sandman (si ces textes sont toujours autobiographiques bien sûr) se pose des questions sur sa bourde (I Had My Chance) & ne tarde pas a passer devant le juge pour infraction au neuvième commandement (The Jury). Ici, le disque devient totalement fou. The Jury justement accuse un phrasé distillé sur une bande sonore menaçante, laquelle est torturée avec génie. Ça n'a rien à voir mais symboliquement ça fait un peu penser au L.A. Blues à la fin de Fun House. Du free jazz en or massif. L'album s'enfonce dans le délire organisé le plus troublant avec l'hallucinant Sharks réglé comme un compte-à-rebours en plein trip qui éclate au moment exacte où Free Love chiale ses notes sombres & ça n'arrange pas le millefeuille bien sûr. Sandman est dans la merde & c'est magnifique. Il se réveille après cette nuit cauchemardesque, son lit est vide, la fille a débarrassé le plancher. Gone for Good clos alors ce formidable helter skelter symphonique par une rédemption acoustique d'une surprenante douceur (Sandman joue seul de la guitare sèche pour la première & la dernière fois de l'album).
Quatre ans plus tard le leader de Morphine s'écroulera en plein concert à Rome, officiellement d'une crise cardiaque & Yes de rester un très grand album.
VISION/ Morphine "Super Sex":

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