Et que dire des acteurs ? Plus lisses les uns que les autres, politiquement corrects, susceptibles de n’émoustiller que les ménagères de moins de cinquante ans lectrices de Closer. Même quand ils sont bons (DiCapprio, Damon, Auteuil, etc.), ils n’ont rien à dire et leur manque de personnalité est flagrant. Où sont les Klaus Kinski, les Humphrey Bogart, les Marlon Brando, les Robert Mitchum et autres Jean Gabin ou Patrick Dewaere ? Dans un petit livre récemment sorti aux inconnues Editions de l’Antre, préfacé par François Guérif (créateur et directeur de la collection Rivages/Noir), écrit par Guillaume Besnier et illustré par Eric Roux : Traits Portraits. Acteurs…
Guillaume Besnier trace donc des portraits d’acteurs, anciens pour la plupart, si on excepte
« Le matin, au réveil, en tee-shirt blanc, les poils entremêlés, la bouche pâteuse, une langue chaude dans le lit, une calvitie naissante, le cendrier plein de mégots, la bouteille de whisky ouverte, le verre où il reste un doigt, qu’il pleut et qu’on ne sait plus très bien si nous sommes seuls au monde, si nous avons une famille, des amis, une copine, voire un métier et surtout si nous avons envie de continuer, nous pensons à Patrick Dewaere.
Patrick, c’est la petite musique mélancolique du cinéma : délicate comme une caresse amoureuse, provocante, refusant l’ordre, les ordres, les devoirs avec un regard d’enfant blessé qui cherche encore la magie, la part sensible de l’humanité. Il porte l’imperméable comme les véritables héros, mais le sien est froissé, l’eau ruisselle sur ses vêtements improbables et mouille son corps et son âme. Il a toujours l’air mouillé Patrick : larmes, rires, tendresses, malheurs. Il a un côté Rimbaud bien qu’il soit costaud. C’est un homme viril mais qui assume sa part de féminité, fait craques les femmes, les enfants et les chiens.
C’est un enfant de la bohème qui a toujours voulu faire comme les grands. Un anarchiste, sa cause : poétiser le quotidien qui est glauque, absurde, cruel. Une voix qui reste dans la mémoire de nos âmes, entendez le monologue de Beau-Père. Il a croisé la route des meilleurs acteurs et réalisateurs, a une bande de copains au Café de la Gare, mais aucun n’a pu le retenir, c’est son côté chat de gouttière. Alors il a mis fin en lettres de cervelle et de sang au générique de son existence.
Restent les films qui survivent à tout et cette petite musique lancinante. Patrick, c’est notre petit camarade et avec lui nous disons : merde aux cons. »
Que ce soit avec amitié, avec admiration ou avec reconnaissance, Guillaume Besnier, dans une langue virile qui rappelle celle des écrivains américains des années 50, parvient à saisir l’homme pour mieux nous faire comprendre l’acteur. Son art est accompagné de celui de son compère caricaturiste Eric Roux. Mais là encore, la caricature n’est pas tracée pour nous faire rire ; elle est là pour compléter le texte, pour nous montrer ce qui échappe au dire poétique. Les dessins, très réussis, accompagnent les trente portraits qui constituent ce livre, livre que tout cinéphile et amateur de littérature se doit de posséder.
Guillaume Besnier/Eric Roux, Traits Portraits, Acteurs… Editions de l’Antre. 16 €