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Quand joseph k. rencontre lew basnight

Par Lazare

J'avance dans Contre-Jour à petits pas prudents, familier des traquenards qui guettent à chaque page que Pynchon a écrit – être conscient que ça peut partir en couille à n'importe quel moment, qu'une discussion entre deux types biens sous tout rapport peut engendrer guerres, complots, hallucinations, calamités délirantes & ce longtemps avant que je ne m'en rende compte. Je serais alors perdu. Puis, à pas feutrés s'il vous plaît, je tombe sur l'histoire de Lew Basnight. Vraiment au toutes premières pages. L'histoire de Lew Basnight qui arrive comme un cheveux sur la soupe communautaire de nos Casse-Cou chéris est parfaitement m'a laissé surpris. Enfin, je suis loin d'être un pynchonologue averti mais il me semble qu'on tient là un truc assez inédit dans l'oeuvre du bonhomme. ON DIRAIT DU KAFKA! Je relis le passage (très court) avec la drôle impression de feuilleter le début du Procès. Coupable? Oui, oui d'accord, coupable... mais de quoi? (Kafka: « On avait sûrement calomnié Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. » Pynchon: « ... il s'y était pour ainsi dire égaré, suite à un crime qu'il était censé avoir commis naguère [...] Quant aux détails, eh bien, bonne chance. Lew avait oublié ce qu'il avait commis, ou n'avait pas commis... »). Hé-hé. Je risque de me faire tirer les oreilles mais, désolé, la ressemblance est trop frappante. Tout le monde semble être au courant sauf lui. Je veux dire Lew. Il en va de même pour K. & l'on voit quantité de personnes travaillant sur l'affaire sans que l'on sache qui, personne n'est surpris par cette situation cauchemardesque. D'ailleurs K. s'en accommodera tant bien que mal... tout comme Lew Basnight, ça va de soit. C'est là encore une absurdité dérangeante. N'importe qui péterait un plomb confronté à un tel cauchemar. L'acceptation implique dès lors un péché valide. Une culpabilité originelle – je vais y revenir parce qu'avant, je retourne à mon cahier de notes, avant je voulais parler d'un simple détail.
Un rien du tout qui accentue encore un peu plus la gémélité des textes. Je relis le passage où Lew arrive à l'hôtel Estonie &, ma foi, c'est limite la copie conforme (j'exagère mais à peine à peine) des tribulations de K. dans le tribunal. Une architecture désopilante, sans queue ni tête. Un purgatoire pour expier le simple fait d'être né, où l'on se prend des raclées sans broncher. Châtiments corporels de bon aloi (se souvenir que l'administration où travaille K. possède un charmant placard dans lequel un géant, tout de cuir vêtu fouettefouette à s'en déboîter l'épaule). Péché, culpabilité, pénitence, dans les deux cas le chemin est le même (« On fait pénitence non parce qu'on a péché mais parce que c'est votre destin » c'est page 54 mais à vous de deviner chez qui). Lew dans sa chambre d'hôtel Estonie, K. dans la celle de la logeuse Grubach... les antichambres de l'enfer ont la même forme(répertorier toutes les chambres/prison/terrier de Varick Street à celle de Christiana dans La Faim de Hansum) & semblent provenir des mêmes causes. Encore: « On avait sûrement calomnié Joseph K. ... ». Alors que la police l'interroge K. aperçoit, de l'autre côté de la rue, une femme qui l'observe avant de disparaître tout à fait. On l'imagine gênée. Il n'en fait pas cas tout de suite mais la délation est bien là qui flotte dans nos têtes. A propos de Lew: « Il fut dénoncé dans la presse locale. Les crieurs de journaux inventaient des gros titres épouvantables le concernant » puis plus loin sa femme: « C'est fini, Lewis, tu m'as comprise, plus jamais sous le même toit. - Mais qu'est ce que j'ai fait d'après eux? Je te jure, Troth, je ne m'en souviens pas. - Si je te le disais, il me faudrait l'entendre une fois de plus &, crois moi, ce serait une fois de trop. ». La messe est dite & au final, la chose essentielle pour Joseph K. & Lew Basnight n'est plus de savoir ce qu'ils ont fait. La pénitence ou la condamnation n'a rien avoir avec une faute qui aurait été commise. Comme dit plus haut c'est le destin. L'homme est coupable par nature. ------------------------------- A lire les notes des camarades sur Contre-Jour, bien plus poussées:Thomz (ici)Pedro ()Otarie (huh! huh!)Odot (do, , fa...)Fausto (pan!)Sans parler de Papa Claro

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